Après ces quelques semaines de pause en cette période de Toussaint pendant laquelle nous avons consacré du temps à la mémoire de nos proches - « Où sont-ils tous partis ?… » silence… voir conf - reprenons le fil de notre réflexion spirituelle et de notre longue marche métaphysique de pratiquants yogis.
La dernière fois, nous avons réfléchi à la problématique du processus du choix, des choix que nous avons à faire dans l’existence et nous avons vu comment le cerveau fonctionne lors de sa prise de décision.
Nous sommes finalement restés sur l’idée que nous ne faisions pas assez confiance à notre intuition et que bien souvent, nous nous perdions dans nos élucubrations mentales. Toutefois, nous n’avons pas non plus mis de côté notre capacité, qui s’avère nécessaire, à raisonner lors d’un choix.
Sans tomber dans l’irrationalité qu’apporterait un choix systématiquement fait par la seule intuition et les seuls pressentiments (qui sont des délibérations finalement subconscientes) ou se priver de ces dernières par la seule rationalité, il nous faut savoir estimer quels sont les moments propices au choix de l’intuition et ceux propices à l’analyse.
Autrement dit, à quel moment, devons-nous faire confiance à nos intuitions et à quel moment, vaut-il mieux l’éviter ?
Nous avons vu que dans le choix, plusieurs paramètres intervenaient, comme
l’évidence ou non des informations en jeu, l’intérêt de l’action, les connaissances ou préjugés qui interviennent sur notre choix, l’information sensorielle, la nécessité intérieure plus ou moins anxiogène à décider, le temps pris à décider, le moment où cela se décide véritablement.
Il y a donc des choix plus ou moins complexes selon ce qui est mis en jeu.
Selon les neuroscientifiques, s’il y a un trop grand nombre d’éléments ou d’informations qui entrent en jeu, paradoxalement, l’intuition est plus efficace que la délibération.
Par exemple, dans un choix à deux options, prenons celui d’une croisière en paquebot.
Cela pourrait se vérifier dans beaucoup d’autres choix binaires à faire, matériels ou autres, maison, voiture, etc.
Un choix d’utilité, si deux voyages croisières ont les mêmes options mais sont différentes en prix, sera celui de la moins chère. Le choix est simple et rationnel.
Mais, si d’autres informations se rajoutent, tels des prix différents, des durées différentes, les types de bateaux, des pays différents, la sécurité, le confort des cabines, les prestations supplémentaires, la réputation de la compagnie, les avis sur internet, etc., alors le choix devient complexe.
Là, l’intuition sera plus efficace que la délibération.
Est-ce à dire que notre intelligence est limitée ?
Hélas oui, et nous ne le savons que trop.
Les esprits capables d’analyser en profondeur sur plusieurs strates de raisonnements seront forcément plus à l’aise dans la délibération de la complexité et préfèreront spontanément l’analyse dans leurs choix. Je pense au joueur d’échec à qui l’intuition semble interdite. Nous pourrions nous demander à quel stade de profondeur de l’analyse, son choix définitif se fait-il ?
Y a t-il chez lui un moment où l’intuition prend le relais ?
Chez les personnes trop cartésiennes, il y a la nécessité de s’ouvrir aux autres outils moins rationnels et accessibles en eux et la pratique yoguique, en réveillant leur cerveau droit, y pourvoit.
En contre partie, une personne très intuitive mais limitée dans le raisonnement, profitera d’une part du développement de ses facultés de concentration et de recentrage par l’activation du Prāṇa प्राण et des Trāṭaka त्राट. Cela lui permettra d’accéder plus facilement aux sujets méditatifs relevant parfois de problèmes conceptuels et que nous développons dans la pratique de la méditation et des enseignements. De plus, elle sera sensibilisée par les approches métaphysiques de l’enseignement qui s’appuient parfois sur des hauts niveaux de réflexion intellectuelle, telle la philosophie védantique, la science du Śrī Vidyā श्री विद्या, etc.
Si nous prenons notre temps dans un choix à faire en étudiant minutieusement un petit nombre d’éléments, alors nous choisirons bien.
« Mais notre esprit conscient est limité en termes d’analyse d’un grand nombre d’éléments. Ce n’est pas le cas pour notre inconscient qui lui est vaste », nous dit Mariano Siglan.
Je préférerais parler dans ce cas-là de supra-conscient occulté chez la majorité de personnes et paraissant de ce fait, inconscient.
Cela évoque pour nous le principe de l’éveil spirituel.
Ce dernier fait référence à l’éveil dans un premier temps des énergies, puis de la transcendance du mental (manas मनस् ) pour ensuite arriver à l’activation de la buddhi lumineuse. Cette buddhi बुद्धि (l’intellect) éveillée n’est qu’un stade préliminaire à l’éveil total de la personne et la mise en action sur un fonctionnement supérieur de tous ses plans.
Le yoga, je vous l’ai déjà dit, et plus encore la méditation et le kriyā क्रिया yoga rendent plus intelligent. Sans remettre en question vos aptitudes au départ de la pratique, je vous invite, vous pratiquants expérimentés, à en estimer la véracité pour vous-même.
Assurément, les pratiques activent cette buddhi lumineuse et développent les perceptions des plans subtils, ouvrant les voies de communications intérieures avec notre supra-conscient.
D’où la bonne intuition des yogis, des méditants, des guides spirituels en général qui s’appuient sur des pratiques, mais aussi des médiums, des visionnaires qui ont plus ou moins développé ces aptitudes, soit spontanément, soit par des pratiques créatrices ou ésotériques.
Ainsi donc, lorsque nous avons à faire un choix où peu de variables entrent en jeu, il est préférable de réfléchir avant.
Si nous avons la capacité de pouvoir évaluer simultanément un grand nombre d’éléments à la fois, alors là encore, la décision rationnelle sera forcément plus efficace.
Mais l’esprit humain ordinaire étant limité, lorsque le nombre de paramètres qui entrent en jeu dans le choix à faire est plus grand que ce que notre analyse peut en faire, alors le relais est donné au processus inconscient, rapide et intuitif, même si ces analyses sont faites au doigt mouillé, à savoir approximativement.
Nous pourrions penser que nous n’avons pas le choix de faire autrement puisque nous sommes limités et assujettis au choix.
La différence entre un homme ordinaire, dans ce cas de figure, et un pratiquant yogi est la capacité de vision, le darśana दर्शन, mais aussi son habitude à l’intériorité et à la perception des phénomènes psychiques et énergétiques profonds et subtils en lui et en dehors de lui qui sont d’autant plus des signes, d’ informations supplémentaires.
Rappelez-vous toutes ces conférences et pratiques où je vous parle par exemple, lors
de l’état du Trikāladarśana त्रिकाल दर्शन, (la vision des trois temps) par l’activation électropranique de l’Ājñā cakra आज्ञाचक्र, mais aussi de la vision du futur par l’identification des prémices du réel dans le présent voire le passé. Souvenez-vous des exercices méditatifs pratiqués alors.
D’un point de vue spirituel, le choix n’est pas dissocié de la morale et de l’éthique.
Choisir telle alimentation, tel lieu de vie, tel travail, tel chemin spirituel, tels amis détermine le fil de notre existence.
Si chacun de nos choix est imprégné de la quête du beau, du bien, du bon, alors nous œuvrons patiemment à la construction d’une personnalité en règle avec le cosmos. Pour cela, il nous faut toujours replacer le sens de l’existence au centre et inclure, dans les nombreuses informations qui entrent en jeu dans le choix, celle du « pourquoi nous sommes ici et quelle est notre mission dans ce passage ? ».
Parfois, malgré tout, lorsque des intérêts vitaux entrent en jeu, nous pouvons être amenés à faire des choix qui vont à l’encontre de notre éthique personnelle.
Il y a des choix extrêmement difficiles qui engagent toute notre existence et peuvent aller à l’encontre de nos aspirations profondes.
Soit nous subissons une situation par la force des liens relationnels, la contrainte stratégique, professionnelle, affective, financière, familiale, les lois et le droit, etc.
« Nous n’avions pas le choix ... »
Soit nos justifications profondes vitales peuvent échapper à notre propre éthique et l’absence de vision de l’essentiel floute la conscience la mieux intentionnée,
« Nous avions le choix... »
Ainsi donc, la question est de savoir si nous effectuons des choix librement ou s’ils sont déterminés, cela nous renvoyant au problème de l’existence ou non du libre arbitre, et plus encore à celui du karma et du principe de cause à effet ?
Si nous avions le choix, nous pouvons passer du regret - ce qui ne dépend pas de nous - au remord, concernant ce qui, en réalité, pouvait dépendre de nous.
L’éthique ou la morale sont intrinsèquement liées à l’expérience du choix.
Quittons ce court aparté métaphysique et revenons à la mécanique cérébrale du processus du choix à faire.
Choisir une voiture ou une maison n’est pas du même domaine que tomber amoureux et l’engagement n’est pas du même ordre. Les choix affectifs et relationnels sont finalement très importants et décisifs dans notre existence.
Nous tombons la plupart du temps amoureux pour des raisons qui nous échappent et qui peuvent se révéler avec l’expérience de la relation.
Les dating d’aujourd’hui illustrent cette grande immaturité des comportements humains contemporains et surtout des systèmes jouant sur l’affectif qui gravitent autour.
Si les dating optimisent les possibilités de choix, (et nous pourrions penser qu’ils permettent à un individu d’avoir plus de chance de trouver l’âme sœur parmi les quelques milliards possibles - il faudrait peut-être ainsi passer sa vie à « dater », certains d’ailleurs tombant dans ce piège) - ils font entrer les personnes dans un univers relationnel où entre en jeu l’évaluation calculée des arguments de séduction.
On définit le dating comme un rendez-vous galant, où la séduction se fait en évaluant l’adéquation entre deux inconnus pour envisager une relation intime.
Les deux inconnus se basent en fait sur un nombre de paramètres tels l’apparence physique, les déclarations de l’autre supposées vraies, des apparats démonstratifs et des masques physiques et psychologiques divers.
Les émissions de télévision, ADP, MAPR, et bien d’autres sont d’autant plus des aberrations qui finissent le plus souvent dans des échecs prévisibles.
Que ne ferait-on pas pour le buzz !
Mais où sont donc passées la poésie, la magie de la rencontre spontanée ?
Bien sûr, elle n’est pas exempte, elle non plus, de l’erreur du choix, mais si elle est vécue avec finesse et le temps nécessaire de la découverte, de l’observation, de l’accord des parties, alors le choix mesuré nourrit la poésie et la magie du temps dans cette relation ou confirme la nécessité de ne pas la poursuivre ou de ne pas s’y engager.
N’oubliez pas ! Nous avons souvent dans l’existence, avant l’éveil spirituel, investi dans l’ignorance et plus particulièrement dans nos relations.
Mais de quoi est faite cette magie de l’attraction ?
Nous sommes certes des mammifères et nous avons derrière nos choix apparemment conscients, des mécanismes viscéraux attractifs qui répondent à nos phéromones. Ce sont des médiateurs chimiques et sensoriels qui déclenchent en nous des fonctions cérébrales mécaniques, telle l’odeur de l’autre nous attirant ou nous révulsant.
D’autre part, de nombreux paramètres souterrains de conditionnements sociaux et affectifs nous définissent dans nos choix de l’autre.
Les paramètres profonds de nos instincts issus de l’évolution millénaire échappent à notre analyse et sont occultés par l’inconscient.
Certes, nous ne sommes pas des souris (« je n’ai pas volontairement dit des rats ») et nous avons développé - bien que parfois nous puissions en douter au regard de la violence humaine d’aujourd’hui - un certain degré de conscience et de subtilité qui nous ont permis de transcender le monde physique par le pouvoir du cœur et de l’esprit.
Je me refuse à croire que les pressentiments et l’intuition se réduisent à des seuls mécanismes instinctifs ou hormonaux comme certains neuroscientifiques le prétendraient.
Je crédite largement, en tant que yogini expérimentée, la dimension subtile et effective du supra-conscient, (non révélé chez le commun des mortels et difficilement compréhensible par un non pratiquant), comme intervenant lors d’un choix, plus encore si ce choix concerne une relation amoureuse ou sociale. La seule condition pour qu’il intervienne dans notre existence est de lui permettre de se révéler à nous. Le yoga y pourvoit.
Il y va de votre choix de le pratiquer.
Hari Om tat Sat
Jaya Yogācārya
Bibliographie :
– « La vie secrète de l’esprit « de Mariano Sigman aux edtds Odile Jacob
– Adaptation et commentaire de Jaya yogacarya
©Centre Jaya de Yoga Vedanta La Réunion & Métropole