« L’Asthanga Yoga, le Yoga aux Huit branches »
Sadhana Pada - Chapitre 2
3 ème partie- Asanas, Pranayama, Pratyahara
L’Asana
– Sthirasukham âsana L’Asana
(Aphorisme 46 chap. 2)
L’asana est l’art de maintenir une posture stable et agréable.
- Dans cet aphorisme, Patanjali fait référence à la posture assise pour la méditation. Mais dans un sens beaucoup plus large, l’asana fait appel aux nombreuses postures du Hatha-yoga.
Autrement dit, même si Patanjali ne fait pas directement allusion à ces dernières, elles seront ultérieurement mentionnées par les Sages comme étant nécessaires au travail de l’équilibre du corps et au maintient de la santé. La maladie étant un des plus grands obstacles à la pratique spirituelle, les asanas du hatha-yoga assurent ainsi les fondations de la démarche yoguique. voir Asanas.
En ce qui concerne les postures d’assise destinées à la Méditation, nous trouverons Swastikasana, Siddhasana (la posture parfaite), Padmasana (La posture du Lotus, la moins accessible), Sukhashana (la posture du tailleur, la plus facile), Vajrasana, (la posture à genoux ) et bien d’autres encore.
« L’asana, nous dit F. Mazet, est ce moment parfait, où le corps étant absolument tranquille, tout effort de volonté aboli, la sensation et la respiration sont suspendues et immobilisent le temps. Alors on est heureux, dans un sentiment d’infinitude. »
Nous ne devons pas penser, à la lecture de cette description, qu’il y a absence de tout effort. Bien au contraire, les asanas de yoga ne sont pas des postures de détente, elles ont pour but d’infléchir le mental et le corps afin de provoquer l’expérience spirituelle. Il est donc nécessaire au préalable, de fournir un effort de volonté pour la prise et l’installation de la posture, pour ensuite, une fois le corps dompté aux exigences de cette dernière, pratiquer le lâcher-prise.
Ce « fameux lâcher-prise » est un mécanisme très complexe qui sollicite d’agir à la fois sur les processus physiologiques, énergétiques, mentaux, émotionnels.
Et c’est là toute la difficulté.
L’individu est toujours pris entre le feu des énergies physiques et celui des énergies mentales. L’un peut-être actif au détriment de l’autre et vice-versa. Ce n’est que lorsque les nadis voir pranayama sont parfaitement équilibrés et que la Sushumna nadi est activée, que la posture de méditation devient stable et agréable. Alors, le méditant n’étant plus sujet aux douleurs physiques (genoux, dos, etc. .), ni aux agitations mentales (il cesse de faire son propre film !), il peut enfin entrer dans cette expérience de suspension du temps et de l’espace. N’étant plus sujet momentanément à ses limitations, il fait l’expérience de la méditation profonde où le corps et le mental sont immergés dans la pure conscience.
– Prayatnashaithilyânantasamâpattibhyam
(Aphorisme 47 chap.2)
On maîtrise l’Asana en lâchant-prise et en se concentrant sur le serpent Ananta
- Le serpent Ananta est le symbole de la kundalini, cette énergie puissante endormie à la base de la colonne vertébrale. Lorsque le serpent est lové trois fois sur lui-même, l’énergie est dans un état de sommeil ; lorsqu’il est dressé tel un cobra, l’énergie est en état d’éveil.
La tête du serpent représentant le cerveau humain et la conscience.
– Tato dvandvânabhighâtah
(Aphorisme 48 Chap.2)
C’est à partir de là que les paires d’opposés cessent d’avoir un impact.
- Les pratiques posturales, ainsi que la posture assise de méditation demandent beaucoup d’endurance, et le pratiquant doit avoir un haut niveau de résistance. Ce niveau est augmenté par la pratique régulière sur plusieurs années. La résistance doit être à la fois physique et psychique.
Il faut donc apprendre à surmonter les Dvandas (paires d’opposés) qui se présentent aussi bien dans la vie quotidienne que durant la posture.
Dans le domaine physique, les paires d’opposés peuvent être par exemple, le chaud et le froid, la soif et la faim, l’instabilité et la torpeur.
Dans le domaine psychique, nous trouverons tous les sentiments d’inquiétude, de désir, de rejet, de doute, de joie, de douleur, de solitude, d’inquiétude, etc.
Ainsi donc, la pratique régulière, en développant ces facultés d’endurance et de non-réaction aux sensations, développe la patience et la force de caractère.
Ces facultés permettent ensuite dans nos actions mondaines d’éviter bien des problèmes.
Pranayama
– Tasmin sati shvâsa-prashvâsayor gati-vichedah prânâyâmah.
(Aphorisme 49 chap.2)
L’Asana ayant été accomplie, le pranayama est la cessation du mouvement de l’inspir et de l’expir.
- Rappelons que Patanjali s’attache dans le Raja Yoga au processus très complexe de la pratique méditative et il privilégie, dans l’énumération des pratiques, celles qui sont directement liées à cet objectif.
C’est pour cela que dans cet aphorisme, il n’énumère pas ici les nombreuses pratiques très puissantes qui constituent l’art du pranayama mais s’attache plutôt à décrire les pratiques très subtiles du souffle acquises par l’état de méditation profonde.
En effet, dans la méditation profonde, le souffle devient suspendu, le nombre de cycles respiratoires diminue considérablement. Le souffle devient si imperceptible que l’on a l’impression de la disparition des mouvements de l’inspiration Puraka et de l’expiration Rechaka voir les cycles de la respiration.
La disparition des ces cycles n’implique pas forcément l’état de rétention Kumbaka.
Nous devons plutôt dans ce contexte la comprendre comme une suspension du souffle qui se fait très en douceur. En respirant bien moins de fois par minute, les yogis rallongent leur vie. D’une moyenne de 15 cycles respiratoires par minute pour un individu normal, ce rythme peut tomber très bas lors de la méditation, de une à deux fois.
Si de plus le yogi pratique les puissants pranayamas en vu d’éveiller la shakti, alors la maîtrise des kumbakas (rétention) très souvent associés aux bandhas (verrouillages), agissent en profondeur sur les mécanismes physiologiques du souffle.
Le contrôle du Prâna est amplifié dans la méditation, et amène des changements profonds dans le système nerveux et le cerveau.
Les expériences spirituelles deviennent alors possibles.
Les kumbakas ( kumbaka, rétention poumons pleins et Sunyaka, poumons vides), sont les tenants du pranayama. Parmi les nombreuses pratiques existantes, Patanjali fait quand même référence à la respiration alternée voir anuloma viloma, où il décrit de plus les techniques de prânapâna voir les 3 bandhas.
– Tatah Ksîyate prakâshâvaranam
(Aphorisme 52 chap.2)
Alors ce qui cache la lumière se dissipe.
- La pratique du pranayama apporte la connaissance spirituelle. Ce n’est pas la connaissance livresque, mais celle, plus directe, qui est en relation étroite avec les champs subtils.
La lumière des ces plans subtils est occultée par les aspects psychiques et physiques.
Le pranayama, qui travaille à l’éveil de cette lumière intérieure, dévoile la présence du divin en nous. C’est ce prâna qu’utilise le yogi à des fins de guérison, voir énergies et chakras. C’est cette connaissance invoquée par la Gayatri mantra.
Les fabuleuses techniques du hatha-yoga dont certaines sont citées dans les sutras, préparent à l’art de la concentration et du retrait des sens.
Pratyahara
– Svavishaya - asamprayogé chitta - svarûpa - anukâra iva indryânâm pratyâhârah.
(Aphorisme 54 chap. 2)
Le Pratyahara ,c’est lorsque le mental se retire de l’expérience des organes des sens.
- Le Pratyahara est plus communément connu comme étant « le retrais des sens ». Les Jnana Indriyas ( organes des sens ) ont pour nature d’être tournés vers l’extérieur afin d’appréhender le monde phénoménal. Lorsque le mental est introverti dans sa quête de parfaite concentration, il entraîne avec lui vers l’intérieur ces organes de la connaissance.
Pour plonger dans les profondeurs de la méditation, il faut que le méditant se coupe avec tout objet extérieur.
C’est la condition nécessaire pour découvrir cet espace infini et intérieur de l’âme.
Mais c’est un long cheminement de pratiques que le chercheur doit réaliser pour parfaire sa capacité de concentration. Pratyahara n’est pas la concentration parfaite comme l’est Dharana. Pratyahara est l’étape précédente.
De même que le disciple doit passer douze années minimum auprès de son maître, de même chaque étape de l’Asthanga yoga nécessite une mesure de douze unités de temps ou de pratique avant d’être apte à passer à l’étape suivante.
Il existe de nombreuses sortes de pratyahara tels que les exercices de concentration visuelle sur des objets, des images, les concentrations auditives sur les sons, la musique, les mantras.
Tous ont pour but d’amener à l’état d’ Ekagrata, l’art de la concentration parfaite sur un point et un seul. Alors l’état d’intériorité commence.
Le retrait des sens est symbolisé par la tortue qui se retire sous sa carapace.
Elle est aussi le symbole de longévité.
"Je vous site une anecdocte.
Nous avions emmené Swami visiter le jardin de Pamplemousse à l’Ile Maurice, en 1995.
Nous avions bien du mal à le suivre tellement sa marche était rapide devant nous, malgré son grand âge et ses curieuses chaussures en bois. Puis il s’arrêta devant les tortues géantes et les observa avec attention.
Je me rapprochais tout prés de lui, Maheswari et Satyavati étant fort loin derrière nous. A un moment, il se tourna vers moi, et en quelques gestes, me fit comprendre combien ces tortues, plus que centenaires tout comme lui, savaient conserver par l’économie de gestes et leurs rythmes biologiques trés lents, cette longévité . Il soulignait ainsi tout le fondement même de la pratique yoguique.
Ce fut un petit moment initatique et inoubliable. Jaya"
Fin du 2 ème chapitre.