Le corps, ce grand mystique !
Nous voilà à nouveau réunis pour la méditation. Ces moments de silence sont de vraies rencontres.
Nous faisons fusionner nos consciences dans un espace sacré, dont la société et ses fluctuations nous éloignent bien souvent.
Nous avançons ainsi dans le temps, ensemble, en âge et en expérience. Et plus nous le ferons en nous restant fidèles, plus ces moments d’expériences méditatives seront précieuses car nous nous savons fragiles.
Voici une histoire.
« En Inde, un grand mystique était sur le point de mourir. Les milliers de fidèles s’étaient rassemblés autour de lui, désireux de boire ses dernières paroles. Il ne lui restait que peu de temps pour passer sur l’autre rive et les quitter à jamais.
Il ouvrit les yeux et se mit à dire : "Je vous ai enseigné durant ses longues années, l’art de la béatitude et de l’extase méditative. Vous m’avez certes écouté, mais vous n’avez jamais pratiqué, du moins vous avez toujours remis à plus tard.
Aujourd’hui, je suis enfin prêt à partir pour l’autre rive, et pour moi, remettre à plus tard n’aurait plus aucun sens.
Quelqu’un dans l’assemblée est-il prêt à partir avec moi, maintenant ?
Les mouches volèrent ! les disciples se regardèrent ! Même les plus anciens baissèrent la tête ! Après un long moment de silence, une main se leva.
« Maître, je ne puis que lever la main et ne puis venir avec toi, car je ne suis pas prêt. J’ai encore tellement de choses à faire ici. Je dois marier ma dernière fille, et puis je ne sais toujours pas comment atteindre l’autre rive.
Peux-tu d’ailleurs, je t’en prie, me rappeler encore les grands principes afin qu’un jour je puisse partir et te retrouver... Quand je serai prêt... »
Les philosophies spirituelles vous enseigneront toujours à vivre dans l’ ici et le maintenant. Il n’y a pas de demain, demain n’arrivera jamais, demain n’est jamais arrivé. Tout arrive aujourd’hui.
C’est le grand problème des hommes de cette planète de tenter par tous les moyens de savoir de quoi sera fait demain, en consultant toutes les divinations possibles.
L’enseignement yoguique vous invite à créer votre paradis sur cette terre, dans votre vie présente, afin que la mort ne soit pas à un terme à votre misère mais une rencontre avec votre état de béatitude.
Les yogis vous invitent à préparer cette rencontre afin que la mort vous trouve heureux, aimant et en train de danser.
Il n’est point de préparation spéciale ni de discipline pour vous trouver aimant et ouvert à l’univers. Juste du courage pour oser vivre sa véritable nature, beaucoup de compréhension pour se défaire des interprétations erronées du monde et beaucoup de vigilance pour rester neuf. Alors la mort ne pourra en rien vous enlever le goût suave de vos expériences de vie.
Depuis des siècles, la morale et la religion tentent d’inculquer à l’homme des valeurs très négatives, à commencer dans le domaine du corps.
Certaines religions pratiquent même l’auto-torture, flagellations, etc. afin d’amener le croyant à élever sa conscience. Le yoga, et plus précisément le hatha-yoga, réputé pour être une voie violente et rapide, ne tient absolument pas ce discours. Il vous invite certes à élever la conscience mais en devenant le meilleur ami de votre corps, en le découvrant, en l’optimisant aux pratiques d’éveil de la santé.
Votre corps est votre maison.
Certes, certaines pratiques avancées son rudes pour un homme ordinaire mais jamais, elles ne doivent être pratiquées avec violence.
Le corps est la porte de la conscience, il est la porte de la connaissance spirituelle.
Depuis votre naissance, il travaille sans relâche à votre service, il est très obéissant même si parfois vous avez le sentiment que c’est lui qui vous commande. Dans votre sommeil le plus profond, il se « décarcasse » pour assurer votre survie. Il faut donc le nourrir le pus correctement possible et être vigilant aux nourritures que vous lui donnez ; physiques, pranîques, émotionnelles, psychiques, intellectuelles et spirituelles voir art KOSHAS (les 5 gaines ou Koshas, Anamayakosha, Pranamayakosha, Manomayakosha, Vijnanamayakosha, et Anandamayakosha).
Soyez donc "un" avec votre corps et donnez-lui ce dont dont il a besoin pour être en bon état afin que votre conscience puisse s’élever. Apprenez à le connaître, explorer-le intimement. C’est là le travail du yoga. Dans le domaine spirituel, l’amour et la compassion sont ces nourritures essentielles et sont la base de la non-violence voir yamas.
Vous ne pouvez pas avoir de compassion pour le corps de l’autre si vous n’en avez pas pour votre propre corps.
Votre corps est très obéissant et possède en lui une sagesse qu’il vous faut découvrir.
Le corps est un des plus grands mystères de l’existence.
Je dirais plus encore,
il est un grand mystique
Celui qui comprend cette nature mystérieuse et en fait sienne par la connaissance et les pratiques spirituelles, n’aura plus la seule nécessité d’entrer dans un temple ou de prier le « bon dieu ». Il atteindra la clé de la conscience en atteignant la clé du sacré qui se trouve dans son corps. Depuis de longues années, nombreuses sont les personnes qui nous demandent des entretiens. Certaines se présentent comme très religieuses, très versées dans la prière, la dévotion. Malgré cette aura sacrée mise en avant, ces personnes sont totalement démunies quand il s’agit du corps, d’autant plus lorqu’elles tombent malades.
Dans les cours débutants de Hatha yoga, j’observe chez la majorité des personnes, une grande méconnaissance de leurs propres mécanismes physiologiques, anatomiques, énergétiques et psychiques.
Le yoga dompte, la méditation observe et connaît.
Prendre "conscience de sa conscience", c’est pouvoir se dépasser et atteindre des plans plus ultimes.
Un enseignement spirituel qui ne vous enseigne pas l’amour du corps, ni la compassion pour le corps ne vous permettra jamais de pénétrer la conscience.
Le but des pratiques yoguiques est de vous rendre plus alerte, avec un mental plus aiguisé et éduquer vos sens (jnana indriyas) afin que vous fassiez l’expérience des plans plus subtils.
Parfois, les grands malades peuvent être plus attentifs aux capacités du corps si leur cerveau leur permet d’en faire la démarche.
Les pratiques d’auto-guérison qui nécessitent une grande dextérité dans l’art de la concentration et de la visualisation sont souvent d’avantage pratiquées lorsque le corps est en urgence et qu’il n’y a rien d’autre pour le sauver. Mais parfois cela est déjà trop tard. N’arrivez pas à cela.
Aimez votre corps, faites un avec lui afin de pouvoir faire un avec l’existence tout entière.
Tout grand mystique sait qu’on ne peut-être spirituel tant que les propres battements de son cœur ne sont pas en "synchronicité" avec les battements du cœur de l’univers.
Ne délaissez pas votre pratique régulière, elle peut-être d’un grand soutien dans votre vie face aux aléas du futur.
Les textes sacrés et leur connaissance profonde sont certes incontournables, mais plus encore le sera votre santé physique lorsque vous serez âgé.
Quant au « comment vivre alors ? », n’oubliez pas que le principe fondamental de l’enseignement yoguique, dont le but est de vous libérer de la souffrance, et de vous enseigner à vivre selon votre véritable nature et non selon les idéaux et les règles des autres. Restez donc rebelles, et apprenez à vivre intensément et totalement sans aucune crainte.
Si votre vieillesse n’est pas celle de la sagesse, de la bienveillance, de la grâce spirituelle et de la joie, si vous ne laissez pas derrière votre sillage un parfum suave de la maturité spirituelle, si les fruits ne mûrissent pas en votre présence, alors c’est que vous n’aurez certainement pas entièrement vécu !
Vous vous serez trompé, vous vous serez égaré ! Vous n’aurez pas fait le bon travail. Vous n’aurez pas vécu selon votre vraie nature. N’oubliez pas de découvrir votre dharma et de vivre selon lui voir dharma. Mieux vaut vivre un dharma aussi modeste soit-il et être heureux que de tenter de vivre malheureux en tendant vers un but inaccessible. Quant à vos besoins et désirs, c’est maintenant ou jamais qu’il faut les vivre. Si aujourd’hui, vous ne cherchez pas à trouver cette clé de la nature qui est en vous, à vivre dans cette harmonie, alors la nature reprendra se revanche. Sa revanche sera de faire de votre vieillesse quelque chose de laid, de malade et d’aigri. La jeunesse est parfois mature, car elle se rend libre à l’expérience, elle est neuve et ouverte, mais elle n’a pas la sagesse et souvent est dilettante. Vous pouvez par la force du travail spirituel avoir dans votre vieillesse, une beauté que même la jeunesse ne peut avoir.
Dans la vieillesse, nous mettons les dernières touches au tableau de sa vie.
Avez-vous bien préparé les apprêts de votre toile, et travaillez-vous chaque jour à parfaire votre tableau ?
Jaya Yogacharya