la pratique du Ravissement
Conférence donnée par Jaya le 22 fev 2013 en cours de méditation
Parmi les êtres innombrables sur la terre, très peu d’entre eux s’efforcent d’atteindre un idéal spirituel et élevé. Pour la majeure partie, n’ayant pas un but clairement défini, ils vivent entraînés par le courant inéluctable que l’on appelle "la vie".
La plupart d’entre eux ne sont pas aux commandes de la leur, ils ne contrôlent pas grand chose et c’est plutôt Elle qui mène le jeu par son principe de cause à effet. Beaucoup sont dépendants des circonstances et sont emportés par le mouvement de leurs besoins insatiables.
Dans le onzième chapitre de la Gitâ, Arjuna, le noble archer, le chercheur spirituel reçoit le Darshan, la vision divine de son guide. Il obtient l’œil divin, le divya chakshu.
Il va pouvoir ainsi contempler l’univers et la grande manifestation cosmique, et VOIR tant ses aspects bienveillants que les plus sombres.
Dans une direction, il contemple un divin subtil, merveilleux et lumineux, et dans l’autre direction, il voit l’aspect terrifiant du Cela. Ce quelque chose terrible de l’absolu, dévorant tout et détruisant tout. "Un fleuve d’êtres vivants tombait dans ses mâchoires pour y être broyé, dévoré, et disparaitre."
Ainsi continuellement, la vie émerge, la mort détruit !
La vie est un processus créatif où chaque moment vous apporte quelque chose de nouveau, vous enrichit, vous porte plus haut. Si tel est le cas, du moins, si vous la voyez ainsi, elle devient alors pour vous une évolution constante vers un but élevé. Elle devient une vie pour l’accomplissement d’un idéal. Cela est possible bien sûr, si sont déjà en vous, une aspiration définie et noble, quelque chose qui s’élève au-dessus du lot commun.
La vie devient alors pour vous un accomplissement.
Lorsque cet élément est absent, la vie consume l’individu.
Il ne vit pas sa vie. Toujours emporté par le courant, impuissant, ballotté, se lamentant.
Il peut considérer cependant qu’il maîtrise parfaitement la situation. Il peut s’imaginer agir de façon complètement délibérée.
Voilà le grand mystère. Mâyâ est l’illusion de l’égo.
Il va même à penser qu’il s’en sort à merveille et intelligemment. Que lui, à réussi sa vie !
"Moha", est l’hallucination, et "bhranti", est l’impression trompeuse.
Les sages vous diront que des milliards d’êtres humains sont dans l’illusion la plus totale, dans un état d’intoxication et d’asservissement complet.
Ce n’est pas bien difficile à constater :
Il suffit d’observer la machinerie agro-alimentaire qui les gère, les systèmes socio-économiques auxquels ils sont assujettis et les idéologies politiques qu’ils véhiculent ou qui les véhiculent.
Mais plus encore, au niveau personnel, beaucoup de personnes ne connaissent pas intimement leur mental. Beaucoup sont incapables de contrôler leurs sentiments primaires ; "j’aime, j’aime pas ! tu m’as fait ça, je vais te faire ceci !" etc. Sans compter leurs passions et leurs pulsions. Ils s’imaginent très souvent gérer une grande puissance lorsqu’ils en jouent. Parmi ces pulsions, la colère par exemple, qui est faiblesse, est considérée comme une force.
Certaines passions peuvent parfois devenir un processus accablant et addictif mais sont revendiquées avec fierté. De nombreuses forces qui nous asservissent et nous propulsent ici et là, sont prises pour des ornements par le mental humain.
"Le mental, ignorant ce qui est en jeu, s’autorise constamment à faire danser l’égo." nous dit Swami Chidananda (Divine Life Society, Rishikeh).
Chez l’être humain, la conscience de son être absolu, de son Jiva (l’âme individuelle) est si totalement identifiée au mental que ce dernier ne s’aperçoit pas qu’il est esclave.
Au contraire, il se dit lui-même "voilà, c’est cela vivre !".
Alors qu’il danse comme une marionnette, il s’imagine qu’il tient les ficelles et qu’il donne un spectacle remarquable. C’est cela, l’illusion totale et c’est le lot de la très grande majorité des terriens.
Dans l’état d’identification totale avec son mental, l’individu ne sait pas qu’il possède une réalité indépendante de lui. Une réalité d’un plan largement supérieur. Beaucoup d’individus, ne connaissant pas leur identité réelle, vivent la vie entière et meurent sans avoir jamais affirmé et fait valoir la part d’absolu en eux.
Le SOI ne s’est jamais manifesté.
Pour les sages, c’est un état de stupeur, de torpeur spirituelle, d’oubli total de la véritable nature. Les jours, les semaines, les mois, les années s’enfuient, la vie se précipite vers sa fin, le temps passe voir la flèche du temps. Grande illusion qu’est le temps vous diront les physiciens.
Les êtres humains sont tant dans l’étreinte de l’égo, si constamment affairés à leurs activités mondaines, qu’ils n’ont ni le temps, ni l’envie d’essayer d’émerger de l’illusion et d’apprendre à se connaître.
Ils acceptent même cette insoutenable idée de mourir sans avoir essayer.
Et quand la vie frappe, ils vous disent que "c’est la vie !".
Qui plus est, l’intellect s’en mêle et valide l’illusion en faisant croire à l’individu qu’il est très avisé, qu’il perçoit très clairement.
Cela devient une illusion intellectuelle, et l’intellect ne réussira à aller au-delà de lui-même, car il ne se sert pas de la connaissance spirituelle. C’est là d’ailleurs la grande différence entre les raisonnements philosophiques occidentaux et orientaux.
L’intellect utilise le savoir mais il exerce son savoir au sein de Mâya.
Alors qu’il devrait être l’outil pointu pour déchirer ce sombre voile et aller au-delà guidé par la conscience cosmique, il succombe lui aussi à l’illusion en pensant que son savoir est sagesse.
Il confond ainsi LES savoirs (Apara-vidya) avec (Para-vidya) , LA connaissance.
Les sages vous diront que la vie existe pour accomplir un grand idéal.
S’il est élevé, il sera implicitement spirituel. Ainsi, il peut-être moral, philosophique, artistique, humaniste, scientifique, religieux, etc. et les êtres qui ont la grâce d’une telle quête, travaillent à l’éveil de la conscience en eux.
Eux en vérité, vivent réellement. Eux font véritablement usage de la vie.
Leur grande volonté provient de ce qu’ils sont alertes et vigilants. Cette vigilance intérieure progresse sans cesse parce qu’un but à déjà été défini et que ce but intensifie la vigilance et la tire puissamment vers le haut à chaque moment.
Le sentiment de progrès constant donne un mouvement ininterrompu et un sens à la vie pour atteindre un but sublime. Cela ne veut pas dire que les gens en général n’ont pas d’idéaux, mais soit leurs buts sont matérialistes soit leurs idéaux sont dénués d’un sens véritable.
Y aurait-il un seul idéal ? y aurait-il un seul but ? y aurait-il une seule perfection ?
La connaissance spirituelle vous répondra que oui !
Et elle vous dira :
Seule la conscience éternelle de notre nature essentielle est la quête.
Conscience éternelle et nature essentielle sont donc les deux éléments qui donnent à la vie sa réalité, sans quoi, nous stagnons dans les ténèbres." Qui suis-je, où vais-je et dans quel état j’erre ? et bien sur le fameux "c’est la vie !".
Ce "C’est la vie !" cache, derrière l’apparente connaissance de sa forme déclarative, un grand vide de sens pour celui qui le dit.
Le vrai chercheur spirituel va dans sa quête de l’absolu tendre vers l’aspect le plus fondamental, le plus subtil de cet absolu. L’aspect divin.
C’est pour cela qu’il doit éveiller sa conscience et la maintenir constamment éveillée.
Elle le sera par une pratique spirituelle régulière et continue : la sadhana.
Ses aspects incontournables seront :
– pratique par le corps pour chasser les inerties et ralentir l’oxydation des tissus ;
– pratique de l’éveil des énergies enfouies et des capacités qui leurs sont associées ;
– pratique de la méditation, pour aiguiser le mental et identifier ses mécanismes, mais aussi pour le transformer en outil intuitif de connaissance ;
– pratique par la réflexion et l’étude des textes et des philosophies afin de déjouer les pièges de l’intellect et aiguiser le raisonnement ;
– pratique de la contemplation.
C’est là un aspect que nous incitons rarement à pratiquer de façon continuelle, car les modes de vie contemporains ne s’y prêtent guère.
Manana est la contemplation continue et quelques maîtres l’ont admirablement illustrée, comme la très belle Mâ Ananda Moyî,
ou l’enigmatique
Ramana Maharishi.
A défaut d’être continuelle, elle peut être fréquente.
Êtes-vous donc contemplatifs ?
Si non, devenez-le !
Laissez-vous aller devant un paysage ou une scène aussi belle qu’elle soit, mais aussi, aussi difficile qu’elle soit. Un chercheur spirituel doit pouvoir regarder d’un œil équanime le spectacle de la vie, et en extraire une connaissance. Il doit apprendre à Voir ce qui Est derrière la manifestation changeante et éphémère.
Mais plus encore, cherchez le beau, le subtil. Plongez-vous régulièrement dans ce qui vous ravit, un texte, un livre, une peinture, une musique, un paysage, une activité, un être, une pratique, votre pratique.
"C’est la seule garantie de donner à la vie tout son sens et de vivre le plus souvent dans la lumière. Plus votre regard de la vie sera lumineux, plus vous vivrez dans la lumière des grandes vérités de la vie dont les sages parlent, plus vous pourrez écarter toute illusion, toute intoxication", nous dit le disciple de Swami Sivananda Saraswati, cité plus haut.
Cela ne signifie pas non plus de vous extasier devant un paysage une cigarette à la main !
La pratique spirituelle doit se doter d’un exercice constant ayant deux aspects :
L’investigation, Vicâra
et le discernement, Viveka.
Cet exercice peut se faire aussi bien dans le plaisir et la beauté du monde que dans les adversités de l’existence, tout comme il doit être présent et avec acuité, dans les profondeurs de la pratique spirituelle.
Moi, Jaya, je vous dis, à Vous, mes chers élèves,
"Faites feu de tout bois, mais cherchez dans le feu, sa Shakti divine !"
Sans cela, il n’ y a pas de yoga, il n’y a pas de conscience spirituelle.
Vivez votre vie pleinement et lumineusement.
Dans la katha upanishad, il est dit :
"Ayant approché les sages, Éveillez-vous, devenez lumineux !"
Que chaque mouvement de votre existence soit une réaction à cette invitation. Que cela résonne avec chaque battement de votre cœur, que cela coule dans vos veines.
Tant que le subtil de la vie vous accorde l’enthousiasme, la santé mentale et physique, l’énergie et la quête de la connaissance spirituelle et intérieure, alors agissez, et tendez vers la sagesse. Vous pouvez les perdre à n’importe quel moment. L’occasion peut ne plus se présenter. Les aléas de l’existence peuvent vous abattre à chaque instant. Tant que vous avez le luxe de pouvoir le faire, faites-le. Cette capacité est en chacun de nous, mais il vous faut la réveiller par le courage et le travail spirituel.
Si vous avez compris l’immense pouvoir de la volonté et que vous aspirez à vous élever, alors votre vie sera lumineuse.
Hari Om tat sat
Jaya Yogacharya
bibliographie :
"Lumière sur le Chemin" de Swami Muktananda.
"Contemplez ces vérités" de Swami Chidananda.
Commentaires de Jaya yogacharya.
Messages
1. La pratique du Ravissement, 26 février 2013, 07:32, par Daniel
Qu’il est bon de s’approprier une telle profondeur de la pensée en lisant ce texte, Jaya.
Happé par le mouvement de la Vie comme la grande majorité des terriens que vous citez, la lecture de cette conférence me fait ne pas perdre de vue cette quête de perfectionnement, but unique et ultime de notre passage sur Terre, de ce laps de temps entre notre arrivée et notre départ.
Bonne journée.
1. La pratique du Ravissement, 27 février 2013, 15:20
Apres une journée de folie au travail qu’il est bon de se ressourcer en lisant votre conference ...
Ma soirée et méditation de ce soir n’en seront que plus apaisées.
Merci Jaya
claire