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L’Oṃkāra ओंकार

« L’Oṃkāra ओंकार »

Conférence donnée par Jaya Yogācārya en cours de méditation du 24 mars 2017

Nous avons terminé la dernière fois notre étude sur "l’Oreille suprême" par le concept des "noms naturels" et des "noms naturels approximatifs" concernant la notion du Śabda शब्द, le son fondamental.
Le "nom naturel" d’une chose ou d’un objet est donc sa signature sonore vibratoire unique perceptible par l’oreille suprême, à savoir celle du yogi ayant développé la perception de l’ouïe psychique et divine.
Le nom naturel approximatif est donc le son perçu par le méditant mais retransmis de façon imparfaite par lui car émise par la langue imparfaite et perçue par l’oreille d’autrui imparfaite. Nous parlons là des organes limités que sont les Jñāna Indriya ज्ञानइन्द्रिय, les organes des sens. Ainsi, dans la hiérarchie des mantras, on considérera les Bīja -Mantras बीज मन्त्र comme des noms naturels approximatifs.

Nous avons vu de même que finalement pour les sages, ce sont les sons primordiaux et subtils qui descendent vers nos plans relatifs de perception, où ils y sont perçus ou non. Nous avons terminé notre étude sur le fait que sur ce principe, ce n’est pas le pratiquant qui crée le son «  Auṃ » ou « Oṃ » ॐ pour atteindre le divin, mais le yogi qui capte la vibration subtile et semi-cosmique du Auṃ primordial et déjà existant, omniprésent, en le faisant descendre vers lui.

Nous allons ce soir revenir sur ce célèbre mantra.

L’éternel, l’indestructible syllabe Oṃ, le son mystique par excellence, considéré comme le son primordial, le germe de tous les mantras, est selon la Māṇḍūkya Upaniṣad माण्डूक्य उपनिषद् , « Tout ce qui est, a été et sera ».

Oṃ transcende donc kāla काल, le temps. A titre d’information, dans le Darśana दर्शन mineur qu’est le Vaiśeṣika वैशेषिक, Kāla le Temps, est l’une des neuf substances que sont : la Terre, les Eaux, le Feu, le Vent, l’Éther, le Temps, l’Espace, l’Âme et l’Esprit.
Pour les textes sacrés, Oṃ est Brahman ब्रह्मन्, l’immuable, et à ce titre là doit toujours être utilisé au commencement.
Nous avons donc bien compris que l’audibilité des ondes acoustiques dépend du milieu qu’elles traversent et de la qualité des récepteurs à les recevoir. Physiquement, un son est le résultat d’une interaction de phénomènes physiques déterminés avec un début et une fin.
Le son Auṃ n’est pas considéré comme un tel son.
Il est plutôt considéré comme un son "non frappé", ou du moins un son sans fin, ni commencement, audible et inaudible à la fois.
Parfois, il est associé à la théorie du « big bang » à partir duquel s’est déployé l’univers, mais ce serait donné à cette théorie un concept de finitude que les scientifiques ni les sages ne donnent point.
On attribue donc au son Auṃ, une qualité d’impérissable.
On le considère comme le germe de tout langage, nom naturel et secret de toutes les forces cosmiques, il est le Praṇava प्रणव, l’Oṃkāra ओंकार.
Praṇava est souvent traduit par le son primordial divin, le premier son des Veda, « le son bourdonnant », le son qui insuffle le Praṇa प्रण et qui fait référence en écho au Oṃkāra, lui aussi défini comme le son divin primordial, voire associé à l’émanation féminine de Śakti क्रिया. Il est surtout considéré comme la forme unifiée suprême de tous les sons, la somme totale des sons de l’univers.
(Kāra कार = faire, créer, mettre en œuvre).

Pour revenir à kāla, le temps, on ne peut simplifier le Praṇava à ses trois notions (passé, présent, futur). Il nous faut ne pas oublier la quatrième dimension, le quatrième mātrā मात्रा (mesure, partie), qu’est le bindu बिन्दु de la syllabe sacrée Oṃ.
On parle parfois de trois et demie, considérant le dernier mātrā comme ardha mātrā अर्ध मात्रा, la demie part.

Dans le monosyllabe sacré Oṃ, (Le monosyllabe est le vers d’une syllabe ou de deux syllabes si la seconde syllabe est muette), les voyelles A et U dont la contraction donne la diphtongue O, est suivie de la nasale M et de son bindu, l’anusvāra अनुस्वार, qui donne la résonance ultérieure du Nāda नाद.

Nous allons trouver un grand concept associé au mantra Oṃ dans la Māṇḍūkya Upaniṣad.

La Māṇḍūkya Upaniṣad est considérée comme une Upaniṣad majeure et la plus courte. Elle contient douze versets. Elle appartient à l’Atharva-Véda अथर्ववेद qui est le quatrième Veda, Veda tardif. On le situe entre 800 et 1300 av J.C.

Upaniṣad vient du sanskrit « upa  », déplacement physique, « ni », mouvement vers le bas et « shad », s’asseoir, entre autres aux pieds du maître pour y écouter son enseignement.

Les Upaniṣad sont l’ensemble de textes qui forment la fin de chacun des Veda वेद.
Ils sont sous forme de résumé, un pur nectar philosophique qui éclaire les textes auxquels ils se réfèrent. Ils constituent une partie des textes liés à la śruti श्रुति.

Māṇḍūkya fait référence à une « école védique » et « un célèbre enseignant » du Ṛgveda, l’érudit Māṇḍūkeya माण्डूकेय.

Un des commentaires les plus importants fait sur cette Upaniṣad fut celui de Gauḍapāda गौडपाद, grand métaphysicien et défenseur de la non-dualité du Vedānta वेदांत. Ce commentaire s’appelle la Māṇḍūkya Kārikā कारिका.
Gauḍapāda fut l’initiateur de la ligne d’Ādi Śaṅkarācārya आदि शङ्कर, le célèbre Védantin.

Je ne vais pas décrire l’ Upaniṣad précisément car il en existe différentes traductions mais je vais m’attarder sur certains versets :

 Au 1er verset, il est dit :
«  Oṃ ! Cette syllabe est tout ceci (qui nous entoure). En voici une explication pénétrante. Tout le temps passé, présent, futur, n’est rien d’autre que le son Oṃ. Tout ce qui transcende les trois périodes du temps est aussi le son Oṃ  ».
 Au 2e verset
«  Tout ceci, en vérité est Brahman. Cet Ātman आत्मन्, (l’âme) est Brahman et il possède quatre quartiers ».
Nous avons là la célèbre déclaration Védantique « Ayam Atma Brahma » अयम् आत्मा ब्रह्म », « Mon âme est Brahman ».

Les quatre quartiers en question sont les quatre dimensions de la conscience qui correspondent aux quatre états, à savoir ; Jāgrat जाग्रत्, l’état de veille, Svapna स्वाप्न, l’état de rêve, Suṣupti , सुषुप्ति, l’état de sommeil profond, Turīya तुरीय, le quatrième ou état transcendantal, le témoin global de tous ces états.
Les versets suivants décrivent les principes qui régissent ces états.

 Au 3e verset, L’Ātman qui siège à l’état de veille est gouvernée par Vaiśvanara वैश्वानर, l’être universel qui possède la conscience du monde extérieur, ainsi que sept membres et dix neufs bouches. Il jouit des objets matériels. Les sept membres sont les 7 loka लोक voir "Le Gāyatrī mantra". Les 19 bouches sont les 5 Jñāna Indriya, les 5 karma Indriya कर्मइन्द्रिय, les 5 Praṇa, et l’Antahkarana अन्तःकरण, la machinerie mentale.

 Au 4e verset, L’Ātman qui siège à l’état de rêve porte le nom de Taijasa तैजस, représente le lumineux, la conscience du monde intérieur et jouit des objets subtils.
Il comprend toujours 7 membres et 19 bouches. Il représente la nature mentale de la personne universelle.

 Au 5e verset, Suṣupti est l’état où le dormeur ne désire plus jouir des objets ni voir les rêves. L’Ātman qui siège dans l’état de sommeil profond porte le nom de Prajñā प्रज्ञा, l’intelligence inclusive, la sagesse de la connaissance. C’est le sommeil sans rêve de la personne universelle. Il agit là de l’état où les subtiles impressions de l’esprit s’évanouissent. L’être est au-delà de l’anxiété ou de la décision. Il est pure connaissance et un état de pure félicité. Il est doté d’une unique bouche, celle de la conscience.

 Aux 6e et 7e versets, le quatrième état de Oṃ est indescriptible. Il n’est ni expérience subjective, ni objective. Il n’est ni conscience ni inconscience. Il est au-delà de toute description, au-delà des sens et de toute connaissance. Il est pur et serein, unique, éternellement tranquille. Il est Brahman. Il est enfin le Oṃ.

 Au 8e verset, il est dit ;
« Cet Atman, envisagé sous l’aspect des syllabes suprêmes, est l’Oṃkāra.
Les unités phonétiques du mantra sont les trois quartiers de l’Ātman A, U ,M
".

 Au 9e verset, il est dit ;
L’être Vaiśvanara, qui siège à l’état de veille est le son A, en tant qu’existence première, du fait de l’obtention, āpti आप्ति, l’aptitude, l’abondance, les désirs de création.
Selon l’Arthava sikhopanishad, upaniṣad mineure, le premier mātrā A est la terre. Le son A représente le Ṛgveda ऋग्वेद. Il a Brahma ब्रह्म comme divinité principale et sa longueur de pied est Gāyatrī गायत्री, les fameux octosyllabes. Son feu est Gārhapatya गार्हपत्य, l’un des feux sacrés perpétuellement maintenus par un chef de famille qu’il reçoit de son père et transmet à ses descendants, et qui sont des feux à des fins sacrificielles.

 Au 10e verset, le lumineux Taijasa qui siège à l’état de rêve est le son U, la seconde unité phonétique du fait de l’élévation (Utkarsha उत्कर्ष, ce qui s’élève).
Toujours selon l’Arthava sikhopaniṣad, la syllabe U régit la région mi-éthérique et ses environs et représente le Yajur Veda यजुर्वेद. Elle s’épanouit avec Viṣṇu विष्णु, sa divinité principale. Sa longueur est Tṛṣtubh त्रिष्टुभ्, mètre sanskrit nécessitant des lignes d’onze syllabes. Son feu est connu pour être Dakṣiṇā दक्षिणा, un feu sacrificiel qui signifie « vers le sud ».
Pour la Māṇḍūkya Upaniṣad, celui qui possède cette connaissance élève bien haut en vérité la tradition du savoir dans sa lignée et est respecté de ses amis et de ses ennemis...

 Au 11e verset,
Prajñā, l’intelligence inclusive qui siège à l’état de sommeil profond est le son M, la troisième unité phonétique, du fait de la construction (miti मिति = mesure) ou de la destruction (mi minati मीनाति). Il est dit ; "Celui qui connaît cette connaissance possède en vérité le pouvoir de construire la totalité du monde et mais aussi sa destruction".
Pour l’Arthava sikhopaniṣad (शिखा), la syllabe M régit le sāmaveda सामवेद.

 Au 12e verset, il est dit enfin ;
« Le quatrième est sans unité phonétique, sans relations, il met fin à l’expansion de l’univers, il est propice et non-duel. Ainsi, la syllabe OM est l’Ātman . Celui qui possède cette connaissance voit son soi individuel fusionner avec l’Ātman ».

Le bindu quant à lui est considéré comme la demie syllabe ou ardhamātrā du Praṇava, la quatrième partie est aussi considérée comme la zone lunaire. Elle représente l’Atharva veda. Sa divinité principale est Saṃvartakāgni संवर्तकाग्नि, "celui qui peut détruire le monde par le feu".
Pour la Māṇḍūkya Upaniṣad, ce bindu est en l’état de Turīya तुरीय.
Son mètre est Virāṭ विराट् (qui veut dire gigantesque en longueur, macrocosme), en vérité le "vers infini". Son feu est Ekarṣi ,(nom d’un ṛṣiऋषि).

Ainsi donc, pour les sages des anciens temps, l’état de veille n’est pas l’éveil, et le monde extérieur est une illusion onirique, ce qu’ils appellent le rêve de Māyā माया, l’illusion.
Quant à l’état de rêve, il est le rêve dans le rêve, donc une ignorance encore plus profonde.
Ce qui nous paraît veille est en fait rêve et ce qui nous paraît du rêve est en fait un profond sommeil dans l’ignorance.

Pour finir , voici ce que Gauḍapāda commente ;
«  Le Praṇava est le début de toute chose, 
il en est le milieu, il en est la fin tout aussi bien.
Celui qui connaît le Praṇava ne fait plus qu’un avec lui, sur le champ et définitivement.
Il siège dans le cœur de tous les êtres, il est omnipénétrant.
Sans parties et simultanément dotée d’une infinité de parts,
telle est la cessation bénie de la dualité.
Seul, celui qui connaît le son Oṃ
est un sage, épris de silence - et nul autre.
 »

Hari om tat sat
Jaya Yogācārya
Bibliographie :
« La science des mantras » de Kailash Vajpeyi aux Edts Tredaniel.
« 108 Upanishads » de martine Buttex aux edts Dervy
« « Tantrisme, doctrine, pratique, art,.. » de P.Feuga aux edts Dangles.
« La Doctrine du Mantra » d’Arthru Avalon aux edts Orientales
 Adaptation et commentaire de Jaya Jaya Yogācārya

"Le son cosmique selon la science"
http://ipag.obs.ujf-grenoble.fr/~desertf/cosmologie/CosmicSoundWeb/index_fr.html

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