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L’auto révélé



L’auto révélé

Le culte du linga part 1
Conférence donnée par Jaya Yogācārya le vendredi 2 juin 2017

Depuis plusieurs années, nous œuvrons à l’acquisition du savoir spirituel indien afin qu’il soutienne notre pratique yogique.
Il y a donc dans notre travail deux aspects ; le domaine de l’acquisition des connaissances et le domaine de l’expérience. Parmi les différents buts du yoga, il en est un qui est celui d’acquérir des pouvoirs. Beaucoup de gens se livrent à des pratiques plus ou moins ascétiques dans cet objectif là.

Pour un plus grand nombre, peu de gens finalement pratiquent le vrai yoga et beaucoup pratiquent des formes dénaturées et de surfaces.
Le vrai yoga qui consiste à développer certains pouvoirs, est très spécifique et certains yogis relèvent de l’étrangeté, bien loin de nos états ordinairement humains, tant ils ont dépassé l’être qu‘ils étaient.

Peu de contemporains conformistes sont aptes à se lancer dans cette voie et atteindre la connaissance qui en découle.
Quelqu’un qui a des connaissances en yoga est quelqu’un qui est supposé connaître les textes, connaître le sens du symbolisme et la mythologie, avoir une excellente mémoire.
C’est quelqu’un qui connaît le corps et l’entraîne au dépassement et c’est enfin quelqu’un qui sait dépasser les possibilités intellectuelles par la discipline yogique et expérimenter par la transcendance.
Et ce n’est pas le lot de tous.
Être un chercheur spirituel en yoga, c’est un peu rentrer dans l’antichambre de l’état de yogi.
Cela nécessite de considérer humblement chaque jour l’extraordinaire qui est devant soi et non courir après un extraordinaire fantasmagorique.
C’est apprendre à servir la connaissance et non pas se l’accaparer pour devenir quelque chose ou quelqu’un d’autre prématurément.
C’est pour cela que dans la science spirituelle yogique, tant que nous cherchons à connaître et à apprendre, nous sommes admirables et humbles, mais dès que nous voulons jouer un nouveau rôle avec le peu que nous savons, cela se complique. Attention au guru en vous !
La vraie pratique du yoga est une question de capacité.
Souvent, à un stade avancé, nous approchons en yoga des concepts délicats à comprendre. On s’en approche ! Le terme Upaniṣad उपनिषद् exprime bien ce sens de l’approche prudente de la connaissance.
Le chercheur spirituel tente parfois de s’approcher de quelque chose qui par nature est au-delà de ses possibilités de compréhension. Parfois même, la connaissance métaphysique nous amène vers des conceptions si compliquées qu’elle nous renvoie à nos propres limitations. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’affiner l’apprentissage sans cesse si nous voulons développer une pensée pertinente. La pensée profonde et pénétrante nécessite le développement d’un langage subtil afin que l’expression soit elle même subtile.
Nous avons vu dans de nombreuses conférences précédentes, la complexité du langage, ses aspects symboliques et la richesse du sanskrit qui soutiennent de nombreux traités de yoga.
Nous en avons vu la dimension métaphysique.
Ainsi donc, humilité et patience sont les ingrédients d’une progression certaine.
Nous allons revenir ce soir sur les grands concepts que nous abordons dans la mise en place des concepts du Kriyā yoga क्रिय योग. Nous étudions pour certains depuis de longues années, la science de l’iconographie tantrique et les grands principes de Śiva-Śakti शिव शक्ति.
Les symboles les représentant sont le liṅgaṃ लिङ्गं et le le yoni योनि. Le yoni, la matrice féminine est symbolisée par un trikoṇa त्रिकोण (triangle) qui devient le tripura त्रिपुरदाह au stade d’activation.

Le couple Śiva-Śakti symbolise respectivement la pensée et l’énergie nécessaire pour la matérialiser. Mais Śiva-Śakti sont aussi des déités anthropomorphiques.
Linga (ou Lingam ) a pour traduction le mot « signe ». C’est un nom masculin. Ce symbole de Śiva tente d’illustrer la dimension abstraite de la conscience par une représentation concrète.
Le symbolisme tient une grande place dans le savoir métaphysique et religieux Indien.
Dans le célèbre principe métaphysique de l’adhyāropa अध्यारोप, Śiva représente le quatrième état, l’état de Brahman ब्रह्मन्, de Turīya तुरीय, l’état d’éveil illustré par la conscience.
Śiva représente donc le principe révélateur, universel et lumineux de la conscience.
Brahman, l’absolu, le "sans nom", "sans forme", est inqualifiable. Il a cependant cette aptitude à la manifestation et apparaît alors par Śiva. Il se qualifie, se manifeste sous différentes formes de représentation, soit uni à Śakti, soit dans la dualité de l’hermaphrodite Ardhanārīśvara अर्धनारीश्वर, ou bien encore par d’autres couples célèbres qui ne sont qu’une déclinaison du couple d’origine, tels kāmeśvara-Lalita कामेश्वर-लालित, Rādhā-Kṛṣṇa राधा-कृष्ण, etc.

Śiva, l’être suprême inqualifiable, pour se qualifier, doit cependant féconder le pouvoir premier de la nature, Prakṛti प्रकृति. De cette procréation surgissent les mondes innombrables.

« Le désir est un aspect de l’être présent en toutes choses » nous dit le Bhāgavata Purāṇa भागवत पुरा.

L’univers a bien voulu se manifester en chacun de nous ! Il en a eu le désir. Chacun de nous est donc le fruit de ce désir, de cette volonté, Icchā इच्छा Śakti.

L’extase émerge dans l’âme lorsque le désir est réalisé.

Ainsi donc, du Brahman indifférencié surgit la dualité Śiva-Śakti, symbolisée par le phallus et la matrice féminine. Le phallus, signe du principe masculin, représente l’homme cosmique (le Puruṣa, पुरुष), « l’œil qui voit tout ».
Parfois, un œil est dessiné sur le lingam, faisant référence à l’œil de Śiva, au Sva netra स्व-नेत्र, l’œil de la clairvoyance, mais c’est surtout le grand principe métaphysique qu’il illustre, de « l’œil qui voit tout ». .
La Prakṛti, quant à elle, dont la substance est Śakti, est illustrée par la coupe (argha अर्घ), l’urne (jalahāri जलहारी), la matrice (yoni), la conque (shank पाद).
L’homme cosmique ne pouvant créer seul, a besoin de l’union de ce qui perçoit et de ce qui est perçu.

Passive tant qu’elle n’est pas fécondée, la nature devient phénoménale par son union à la conscience.
Prakṛti devient la matrice qui produit l’œuf, symbole de l’univers lui-même,( l’œuf de Brahmā, le cosmos).
Dans les Tantra तन्त्र, le linga est décrit généralement sous la forme d’un phallus tandis que dans les Pûrana, le linga prend la forme d’un œuf. Le culte puise ses origines dans des formes ovoïdes, telles celles de l’œuf, du galet ou du menhir.

Le couple Śiva-Śakti illustre la procréation de toutes choses. Toutefois, dans certains textes tels les Purāṇa पुराण, existent de nombreux exemples de création par la seule puissance de l’esprit sans qu’il y ait d’impact physique. La mythologie parle de fils nés d’un regard, d’un simple contact, de la dégustation d’un fruit. Cela n’enlève pas la présence du principe Śiva-Śakti en termes de conscience et énergie. Ici, l’énergie suffit et ne passe pas par la matrice de la Prakriti.

Les grands Yogis avaient maîtrisé la dimension énergétique de cette relation Śiva-Śakti, leur permettant de créer par leur seule volonté, leur toucher ou leur regard.
Les linga et les yoni ne doivent pas être réduits aux symboles des organes physiques ordinaires. Le phénomène subtil de la vision est distinct de l’organe qu’est l’œil. De même, les autres organes des sens sont distincts du fonctionnement des sens eux-mêmes. Les yogis peuvent donc voir et entendre à distance sans utiliser leurs yeux, leurs oreilles. Beaucoup de techniques de yoga et de méditation visent à développer les Jñāna Indriya ज्ञान इन्द्रिय (Tanmatra तन्मात्र) afin de développer leur dimension psychique, ( l’ouïe psychique, le toucher psychique, etc .).

Ainsi donc, le linga et le yoni ne doivent pas être considérés comme les simples organes de reproduction, mais les symboles de principes plus subtils encore, à savoir « ce qui voit et ce qui est vu. »

Dans la symbolique, à la racine du linga se trouve Brahmā ब्रह्मा l’initiateur, le créateur, au centre Víṣṇu विष्णु, le préservateur et au-dessus s’élève Śiva, le grand seigneur lui-même, celui qui révèle la béatitude par le pranava प्रणव AUM.
Dans la symbolique du pranava AUM, la lettre A elle même représente le linga de Śiva, le U le récipient ou Yoni et le M, l’union de Śiva-Śakti.


Selon les traités anciens d’architecture, le Linga de Śiva est divisé en trois parties.
La partie la plus basse est carrée et dissimulée dans le piédestal ; on l’appelle Brahmā, le constructeur.
La seconde partie, qui est octogonale et qui enserre le yoni est invisible et est appelée Víṣṇu.
Seule la troisième partie qui est cylindrique et qui émerge du Yoni, est appelée Rudra रुद्रः le terrible, la force centrifuge qui détruit tout.
Ces trois parties sont proportionnellement différentes selon l’adoration des castes. Elles sont plus grandes pour les Brāhmaṇa ब्राह्मण que pour les kṣatriya क्षत्रिय, et ainsi de suite.

La forme extériorisée du Linga est le pañcākṣara पंचाक्षर, le célèbre mantra aux cinq phonèmes « namaḥ śivāya » précédé du pranava OM.
Oṁ namaḥ śivāya ॐ नमः शिवाय est l’un des mantras les plus populaires de
l’hindouisme et particulièrement du shivaïsme. Il est le mantra d’adoration dédié à Śiva.
C’est au cours de la grande nuit de Siva, Mahāśivarātri महाशिवरात्रि, fête du quatorzième jour de la lune décroissante du mois de Māgha माघ (janvier-février), que le linga apparut resplendissant comme mille soleils. Le Mahāśivarātri est un des plus grands festivals de l’année sur le sous-continent indien. Le jeûne, une nuit de méditation, l’immersion d’un lingam ont lieu à ce moment là ainsi que des offrandes de toutes sortes.
Le nom de Śivaratri est aussi attribué au jour correspondant.
La tradition dit que Śiva est né ce jour-là. Une autre histoire raconte que cet événement célèbre le jour où Śiva but le poison de destruction de l’océan de lait de la cosmologie hindoue. C’est ainsi qu’il sauva le monde et préserva le nectar qui donne l’immortalité, l’Amṛta अमृत.

Une symbolique fondamentale illustre cette grand nuit de Śiva.

Le soleil représente l’être universel, Śiva lui-même, et la lune, l’être individuel.
Le jour précédant le quatorzième jour est le dernier jour où la lune est encore distincte, individuelle. Elle se dirige vers sa réabsorption dans l’absolu. Le jour de la nouvelle lune, la lune disparait, absorbée par le soleil. Soleil et lune s’unissent.
Ceci illustre le processus de la libération.
Śiva l’indivisible, est adoré dans le linga sans forme ou dans le linga lui-même parce qu’il est la cause première. Il est incommensurable.
Mais lorsqu‘il se qualifie, il devient commensurable et peut donc être adoré sous le linga sans forme mais aussi sous sa forme anthropomorphique.

Śiva et le lingam représentent la pensée informulée, le śabda शब्द, le son fondamental.
Dans les quatre stades de la formulation de la pensée et du son, dans un monde informel apparaissent les prémices d’une idée que l’on cherche à identifier. L’état informel de la pensée est Para पर, l’au-delà. Ensuite vient Paśyantī पश्यन्ति, la vision de l’idée, puis Madhyamā मध्यमव्या le processus mental par lequel on cherche les mots pour la circonscrire et Vaikharī वैखरी l’extériorisation par la parole. Dans ce processus, Śiva, le lingam est para Vāk वाक्, la pensée informulée, la parole sacrée. Voir conférence le son de Paśyantī.


Tous les textes sacrés de l’Inde vénèrent le pouvoir du couple Śiva-Śakti / linga-yoni.
Les Veda वेद, les Upaniṣad उपनिषद् , le Mahābhārata महाभारतम्, le Ramayana रामायण, les Purâna, les Tantra, tous parlent de sa grandeur.
Śiva et Śakti sont inséparables et l’un fait partie de l’autre.
En remontant à la source, on peut même dire que le yoni est un linga et le linga, un yoni et que de ce dualisme fondamental découle un non dualisme qui est le caractère intrinsèque de l’absolu.

Śiva seul ne peut se déployer. Śakti, l’énergie est indestructible.
Les moments qui précèdent la manifestation du monde ne nous laissent aucun signe perceptible. C’est le non manifesté par excellence.
A ce stade là du non manifesté, le lingam symbolise l’état de « non signe » et devient le A-linga, le Maha मह linga, transcendant ce qui est différencié.

Du non manifesté est issu le principe l’inné, l’immanent.
Svayambhu linga स्वयम्भू est le signe auto-engendré, auto-révélé. Ceci renvoie aux choix faits par les anciens, des formes naturelles et spontanées, ovoïdes, telles celles de l’œuf, du galet ou de la forme phallique.

C’est à partir du Svayambhu linga que peut être pressentie l’existence de la nature non encore créée.

D’après ce symbolisme, le linga auto-engendré de Śiva, qui représente la lumière de la conscience, apparait dressé dans le triangle de Śakti, fait de volonté, de savoir et d’action (Icchā, Jñāna et Kriyā Śakti ).
Dans le corps humain, les chakras eux-mêmes sont ces yonis où Śiva peut rayonner de mille soleils. Dans les rites sacrificiels, le feu représente le linga de Rudra रुद्र qui est vénéré dans le yajña यज्ञ, le foyer, qui est le yoni योनि lui-même.


Śiva sans le "i" de Śakti devient Śava शव, un cadavre.
Il ne peut donc être adoré qu’uni à sa puissante Śakti.
C’est elle qui est l’énergie primordiale, connue sous le nom de Kuṇḍalinī कुण्डलिनी, l’enroulée dans l’individualité humaine. Elle entoure le principe appelé Śiva.
Uni à cette énergie, Śiva peut agir et créer l’œuf de l’Univers.
Les mondes peuvent enfin se déployer et votre expérience yogique commencer.
C’est à cela que nous travaillons patiemment, à savoir, éveiller votre conscience supérieure par la sollicitation de votre énergie supérieure.

Hari Om tat Sat
हरी ओम् तत् सत्

Jaya Yogācārya


Bibliographie :
 « Le Mystère du culte du Linga » de Swami Karpâtri et Alain Dianélou aux edts du Relié.

 "Tantrisme Doctrine, pratique, art, rituel.."de Pierre Feuga aux Edts Dangles
 Adaptation et commentaire de Jaya Yogācārya

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