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Le réglage intérieur

Conférence donnée par Jaya Yogacharya en cours de méditation du vendredi 17 mai 2019

La dernière fois, nous avons parlé de la notion de vigilance permanente que le chercheur spirituel se doit d’appliquer à chaque instant.
Cette vigilance n’est pas une vigilance de crainte face à une menace, c’est tout le contraire.
Elle est ce qui permet de conserver la conscience de soi tout en étant en même temps actif et conscient de ce qui se passe à l’extérieur de vous.
Elle est un lâcher-prise qui permet la prise de conscience de ce qui est réel et non illusoire.

Se souvenir de l’absolu en soi permet que l’absolu se souvienne de nous.

Cette vigilance, antichambre du discernement, permet d’éviter l’accumulation des tensions en nous. Elle nous permet aussi d’observer cette dualité permanente que nous vivons entre ce qui est réel et les projections de notre mental sur cette réalité.

Pour cela, nous devons être doublement vigilant.

D’abord, nous devons être vigilant pour nous ramener à nous-même en permanence, mais nous devons surtout identifier notre mécanisme mental face à l’unique réalité.

Le mental est un paravent qui obstrue la vision de cet absolu en nous.

En effet, devenir vigilant avec une fausse perception de la réalité où l’on entretient la dualité n’est pas le bon chemin.
Dans les Upaniṣad उपनिषद्, il y a un Mahāvākya महावाक्य qui dit ceci ; « Sarvam Khalvidam Brahman सर्वं खल्विदं ब्रह्म - Tout cet univers est Brahman ».
Autrement dit, « tout cet univers est l’absolu ».
Ce travail qui consiste à revenir du « deux à Un », signifie ne plus donner de place à notre monde illusoire.
Nous vivons très souvent dans deux mondes.

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Il y a le monde que notre mental se fabrique et qui n’a en fait aucune existence et il y a le monde réel. Pour le mental, le plus important n’est pas le monde réel et il juge en permanence ce dernier par rapport au monde qu’il se crée. Il surimpose le réel par ses projections mentales et émotionnelles.
Vous devez comprendre ce mécanisme que fait votre mental en vous et vous en libérer.

Voici un exemple concret ;

Vous êtes invité à une soirée où il y aura une personnalité importante qui pourrait vous être utile. Mais voilà, vous avez des tas de contraintes imprévues de dernière minute avant d’arriver à cette soirée, comme celles de votre enfant à garder, votre vêtement qui n’est pas repassé, l’ascenseur ou la voiture qui a un problème, votre compagnon ou compagne qui n’est pas prêt et qui vous demande quelque chose en plus de votre stress de préparation.
L’illustration pourrait être aussi celle d’un départ en avion d’une famille par exemple.

Bref, vous vous étiez préparé pourtant toute la journée ou depuis plusieurs jours avec des anticipations ou projections mentales pour mettre en œuvre de façon efficace le déroulement de votre soirée. Mais le « peux-tu aller me chercher cela ? » de votre compagnon, le pneu crevé de votre voiture, l’enfant malade, etc., cela est votre monde réel et non le monde parfait que votre mental s’était créé afin que vos préparatifs se passent parfaitement.

La majorité des personnes dans une telle situation entrera dans une pseudo souffrance due aux émotions de révolte, d’agacement, de stress et de fatigue. Le chercheur spirituel, s’il pratique la double vigilance, devrait constater que le mécanisme de ces mondes parallèles est tout le temps à l’œuvre dans l’existence.
La souffrance vient de la création par votre mental d’une pseudo seconde réalité qui souvent refuse la réalité elle-même.
La souffrance sera augmentée quand le monde que nous posons et le monde réel n’ont aucun point commun. Alors vous penserez que Dieu n’est pas avec vous, que vous n’avez pas de chance...

Cela ne veut pas dire rester passif et ne jamais réagir pour optimiser les situations.
Mais il faut apprendre d’abord à les accueillir.

Il nous faut apprendre à vivre dans un seul monde ! Celui qui est bien réel.
C’est de Cela dont parlent les enseignements initiatiques, de cette double vigilance, de ce retour à soi permanent, intérieur et extérieur et qui permet de voir la réalité derrière les illusions ou projections de notre mental.

Cet ego qui nourrit ces projections parfaites du mental nous empêche d’être unifié et
de percevoir en nous cet absolu.
Ce retour de « deux perceptions à une », de ces « deux états à un seul », de ce « deux à un » dont parlent les Upaniṣad, nécessite un réglage intérieur.

Le mental s’impose ce monde irréel avec une grande facilité car c’est une habitude chez lui depuis l’enfance. Il le fait en permanence, à chaque seconde.
La vie passe vite.
Nul besoin d’établir une démarche longue et sophistiquée pour changer cela. Il vous faut bien sûr comprendre et mûrir les enseignements que vous suivez, depuis des années pour certains, mais il vous faut surtout réagir vite à ces mécanismes du mental.
Enlever la dualité est une équation simple.
Faire de deux, Un, et le faire dans l’ ici et maintenant.

Le pneu crevé devant vous, ou l’éraflure sur l’aile de votre voiture, cela est la vérité et elle est Une, elle est sans second.
Or vous n’en voulez pas sur le moment de cette vérité.
Ce que la vie vous demande, c’est de ne pas créer un second, de ne pas comparer ce qui est à ce qui n’existe pas.
Tout est là, ici et maintenant.

Vous devez progresser par cette vigilance intérieure et rigoureuse de l’instant.
Cela est de la pratique pure qui s’appuie sur chaque pas de l’existence.
C’est cela la Sādhana साधन : Sādhana signifie « faire des efforts », « s’efforcer » ; Être plus vigilant que le mental.

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On ne peut progresser en voulant que le monde réel se conforme à notre monde illusoire.

«  Ekam eva advitiyam एकमेवाद्वितीयम् » , Chāndogyopaniṣad छांदोग्योपनिषद् 6.2.1 , « l’Un sans second » , ce Mahāvākya védantique ne doit pas rester pour nous une parole métaphysique loin de notre réalité quotidienne.
Réfléchir à la non dualité intellectuellement sans y travailler concrètement ne vous servira à rien pour avancer dans l’existence.

Revenons à votre dîner important.
Avec tous ces contre-temps de dernière minute, votre mental se fait le film que ce dîner ou ce départ sera impossible pour vous.
Le mental vous a tendu un piège et émotionnellement vous y êtes tombé.

Lorsque l’émotion vous envahit, il vous est plus difficile de trouver des solutions
efficaces et immédiates. L’esprit étant perturbé par le stress et l’inquiétude, l’anticipation négative que vous nourrissez fait que vous n’aurez pas les idées suffisamment claires pour vous rappeler que votre ami à une voiture disponible, que votre nièce peut veiller votre enfant qui ne va pas encore mourir de sa petite fièvre, etc.

Et quand bien même, si véritablement vous ne pouvez pas aller à ce dîner si important pour votre carrière, que pouvez-vous faire d’autre ?
Pensez-vous que votre rancœur va changer cette vérité ?
La vérité, c’est le pneu crevé et pas de voiture de rechange. Ce n’est rien d’autre.
Ce n’est pas « ah ! si j’avais pu … »

Acceptez la vérité de cette unique réalité sans amertume et n’essayez pas d’avoir le dernier mot quand la vérité est plus forte que vous.

Mais ne cessez jamais de croire que tout est possible avant d’en arriver là.
Votre énergie spirituelle et la luminosité de votre esprit sont des aides précieuses pour agir.
L’énergie et la détermination d’un yogi sont inébranlables.
Auprès de notre maître, nous en avions compris sa force.
Elle est devenue nôtre qui à présent doit devenir la votre.

Combien de fois, nous sommes arrivées à un résultat positif quand il fallait dénouer des situations inextricables. Vous aussi, peut-être !
Icchā Śakti शक्ति इच्छा, la volonté inébranlable soulève des montagnes.

Si finalement la réalité en a décidé autrement, il faut savoir faire un signe de la main vers le ciel et sourire.
Si la situation est plus grave, il faut savoir accepter intérieurement.
La Vérité du monde est déjà là.
Votre Ātman आत्मन्, votre âme n’est pas inquiète, seul votre mental l’est.
Essayer de désamorcer en soi ses inquiétudes permanentes apporte la paix intérieure et l’absence de crainte.

Cessez donc de recouvrir la vérité en permanence, d’en façonner une illusoire en vous, et de la justifier à vos yeux. Arrêter de faire un compromis avec votre mental en pensant que le Divin se trompe.
Vous gâchez votre temps. Vous réduisez l’enseignement à des préceptes moraux qui ne vous servent qu’à avoir une attitude extérieure complaisante alors qu’intérieurement vous êtes en révolte.

Si la réalité est blanche, pourquoi peindre vos murs intérieurs en noir ou en rouge ?
Rien ne sert de méditer ni d’avancer dans les pratiques yoguiques sans cette double vigilance des mécanismes de votre mental.

Ne tardez donc pas à arrêter cette projection mentale qui crée en permanence un second monde en vous, fantasque et inutile.
Le réglage intérieur doit être fait à chaque instant, à commencer par maintenant.

Hari om tat sat
Jaya Yogācārya

Bibliographie :
 « Mon chemin, les nuages blancs » d’Osho Rajneesh aux edts Le voyage intérieur.
 « A la recherche du Soi -Tome 3 » d’Arnaud Desjardins. Aux edts de la Table Ronde.
 Jaya Yogācārya adaptation et commentaire.

Jaya Yogācārya
©Centre Jaya de yoga Vedanta La Réunion

Messages

  • Jaya bonjour,
    merci mille et unes fois pour votre conférence.
    Vos mots m’ont une nouvelle fois touché, et comme vous le disiez, cette notion d’accepter la réalité est une clé de vie, même dans les circonstances les plus graves.

    D’ailleurs, grâce à l’une de vos méditations sur la notion de "voir la réalité telle qu’elle est et non telle que l’on voudrait qu’elle soit", j’avais eu une compréhension plus profonde de cela, une nouvelle perspective plus lumineuse, plus claire. Et cela m’a aidé, et m’aide toujours, dans mon quotidien.

    Les prisonniers de guerre ont pu témoigner de cela, tel ce soldat emprisonné pendant 7 ans, ayant subi des tortures, dont le nom est maintenant associé à un paradoxe (le "paradoxe de Stockdale »), qui est mentionné notamment sur wikipedia.

    Tel que je l’ai compris, il dit qu’en même temps qu’il a gardé espoir, gardé la foi (lié à la notion d’action dont vous parliez !), il a accepté la réalité. Il n’a pas été trop optimiste, il a vu les choses telles qu’elles étaient... Et que ceci l’a aidé à survivre cette « traversée ». Tel qu’il est cité :

    “You must retain faith that you will prevail in the end, regardless of the difficulties.
    AND at the same time…
    You must confront the most brutal facts of your current reality, whatever they might be.”
    “They were the ones who said, ‘We’re going to be out by Christmas.’ And Christmas would come, and Christmas would go. Then they’d say, ‘We’re going to be out by Easter.’ And Easter would come, and Easter would go. And then Thanksgiving, and then it would be Christmas again. And they died of a broken heart.”

    L’une des forces de vos paroles, c’est qu’elles sont universelles. Elles s’appliquent aussi bien à nous, nantis, qu’elles ont pu s’appliquer à des personnes ayant vécues les pires horreurs. Je pense en premier lieu ici aux survivants des génocides, Nazi, Khmer, Rwandais…
    Et dans la même ligne, elles s’appliquent aussi à des situations présentes et futures, dans ce monde qui, oui, est malade... Avez-vous vu ou entendu ce témoignage de cette survivante du Rwanda ? Quelle force remarquable en cette femme. Et quel témoignage sur l’humanité, sur les extrêmes dont nous sommes capables… Votre conférence suite aux attentats de Paris en 2015 était d’ailleurs remarquable.
    Merci encore Jaya
    Adrien

    • Bonjour Adrien,
      La pertinence des liens que vous faites en écho à mon enseignement justifie les difficultés de mon engagement et le développement spirituel de mes élèves en est la récompense.
      Le votre est lumineux.
      Merci d’être ce que vous êtes
      Jaya

  • Bonsoir Jaya,
    Merci pour cette nouvelle conférence encore une fois inspirante. En effet, sans un effort soutenu de vigilance face à une identification erronée à l’ego et au mental, nous frôlons la folie dangereuse. C’est ce que tente de nous démontrer E. TOLLE dans cet extrait de "Nouvelle Terre" et que j’aimerais partager avec vous ;
    Le canard au mental humain :
    "Après que deux canards se sont pris au bec, ce qui ne dure jamais très longtemps, ils se séparent et nagent dans des directions opposées. Chacun de leur côté, ils se mettent à battre vigoureusement des ailes à quelques reprises pour se débarrasser du surplus d’énergie qui s’est accumulé pendant la bataille. Une fois qu’ils ont fini de battre des ailes, ils se remettent à voguer en paix, comme si rien ne s’était jamais produit.
    Si le canard avait un mental humain, il entretiendrait la bataille dans son esprit en pensant, en se racontant des histoires. Voici quelle serait l’histoire de ce canard :" Je n’en reviens pas de ce qu’il vient de faire ! il s’est approché au point de me frôler ! il pense que cet étang lui appartient ! il n’a aucune considération pour mon espace privé. Je ne lui ferai plus jamais confiance. La prochaine fois, il essaiera autre chose pour m’embêter. Je suis sûr qu’il est déjà en train de manigancer quelque chose etc etc.." et le mental poursuit sa ronde infernale d’histoires, y pensant et en parlant encore pendant des jours, des mois ou des années plus tard. En ce qui concerne le corps, la bataille n’est pas finie et l’énergie qu’il génère en réaction à toutes ces pensées sont des émotions, qui à leur tour génèrent davantage de pensées. Ceci devient la pensée émotionnelle de l’ego.
    Vous pouvez facilement vous imaginer à quel point la vie du canard serait problématique s’il avait un mental humain. C’est pourtant ainsi que la plupart des humains vivent en permanence.
    La leçon que le canard peut nous apprendre est la suivante :
    Battons des ailes (laissons tomber l’histoire) et revenons au seul et unique lieu de pouvoir, le présent !
    Bonne soirée,
    Catherine

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