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"Le rappel à soi"

Conférence donnée par Jaya Yogācārya en cours de méditation du vendredi 3 mai 2019

« Le rappel à Soi »
Hamsa ( 2° partie)

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Dans ma dernière conférence, je vous ai parlé des difficultés d’acquisition du discernement (Vivēka विवेक) pour l’aspirant en yoga, même après de longues années. Sans utiliser la langue de bois, n’en déplaise à certains, j’ai clarifié à vos yeux et à vos cœurs, l’objectif exigeant de mon action de guide spirituel que je mène depuis fort longtemps.
Les réactions ultérieures et très différentes à ce discours de la part de certains élèves sont riches d’enseignements.
Certains, heureusement rares, virent là une prétendue colère de ma part et éprouvèrent une légère crainte.

Nulle colère en moi en profondeur, juste un réajustement de surface.
Pensez-vous que la colère puisse nourrir l’enseignement altruiste que vous recevez ?
De quoi est faite réellement cette crainte chez eux ?
Vaincre sa peur nécessite de l’identifier en la regardant en face. Ceux qui ont la crainte d’un guide exigeant n’auraient-ils pas peur d’être mis en face d’eux-mêmes ? Le mental humain trouvera toujours des justifications pour ne pas voir ses propres incohérences, ses défaillances entre les objectifs élevés et les moyens réels qu’il se donne.
Faut-il encore avoir des objectifs élevés !
En tous les cas, il faut beaucoup d’amour et de patience au guide pour observer ces comportements de crainte infondés.

Parmi les autres réactions à cette conférence, j’ai pu observer la prise de conscience d’une élève à qui j’ai décliné un enseignement individuel ponctuel, la considérant dans une attitude trop consumériste. Je veille à freiner ces comportements chez certains mais déplore aussi l’absence d’efforts de certains autres -souvent en gémissement de l’existence - pour combler leurs lacunes alors que tout est là à leur disposition.

De nombreux retours positifs à cette conférence en question ont cependant eu lieu.
Ceux qui sont réellement dans la quête de la connaissance du Soi, savent profiter des leçons pour les apprendre et les mettre en application.
Comprendre à quoi œuvre le guide pour vous et être en état de confiance, voilà qui permet d’avancer dans le cheminement de la maturité spirituelle, et par conséquent dans celui de l’existence.

Merci donc à ceux qui comprennent, analysent, réfléchissent, reçoivent, appliquent, expérimentent directement l’enseignement, avec courage.
Merci à cet élève réactif, qui me propose bien souvent à la suite d’une conférence, un lien ou un article sérieux en écho à ce dont j’ai traité pour corroborer la cohérence de mon discours et sa véracité dans le monde actuel.
Merci à l’intelligence sensible de cette élève pour son offrande de « belles lettres » faisant là encore, par le témoignage littéraire, écho à mon enseignement.
Merci à ces débutants déjà investis qui réagissent spontanément avec enthousiasme aux conférences.
Merci aux avancés qui me remercient parfois du bout des lèvres, parfois avec panache.
Oui, comme me le disait l’une d’entre-vous, je déverrouille patiemment vos gonds pour vous permettre d’ouvrir vos portes.
Pensez à toutes celles qui restent à ouvrir ou que vous n’avez pas su ouvrir quand cela vous était proposé !

Patience, patience, confiance.

Vous pourriez vous demander ce qui nourrit l’altruisme d’un guide dans sa préoccupation de l’avancée personnelle de ses aspirants ?

Dans un très beau poème de Ravidas (1414-1526), poète mystique de l’Inde médiévale, est écrit :

 « Vous êtes le bois de santal. Je suis l’eau.
 Vous êtes un nuage noir, je suis un paon.
 Vous êtes mon père et ma mère, et je suis l’enfant.
 Vous êtes mon ami. Je suis votre compagnon.
 Vous êtes le fleuve et j’en suis un petit affluent.
 Vous êtes l’arbre et je suis le fruit et la fleur.
 Vous êtes tout pour moi, en réalité, rien ne m’appartient.
 Je ne suis d’aucune valeur, mais uni avec vous, je trouve mon utilité.
 Nous sommes tenus ensemble par l’amitié divine. »

Ce poème décrit la relation entre le dévot et le divin. L’âme humaine, à l’image du divin, est pareille à la vague et à l’eau qui la produit.

Nous sommes tous ensemble unis dans la quête divine.
Si le guide ne s’élève pas lui-même dans cette quête de l’absolu et n’éprouve pas cette vénération pour le subtil, le divin, comment peut-il vous y amener ?

Le but du guide n’est pas de se mettre à la place du divin et attendre que les aspirants le vénèrent comme tel.
Son but est de partager avec vous la subtilité de l’expérience spirituelle afin que vous puissiez œuvrer, avec lui, à changer ce monde ici-bas par une interaction noble et constructive.
L’objectif est d’ouvrir vos cœurs afin que la lumière y entre et balaye vos justifications égoïstes. L’objectif est d’activer dans votre esprit, la buddhi बुद्धि lumineuse, un mental rapide afin que votre existence se construise sur des bases intelligentes, réalistes, altruistes, en quête d’élévation et de discernement, de vigilance.
Le monde a besoin de cela, de vous, de nous !
Le monde des hommes est malade !

Les débutants ont besoin d’un professeur de yoga, les avancés ont besoin d’un guide spirituel, les vrais chercheurs ont besoin d’un yogi comme ami.

« Qui est mon véritable ami verra en moi la yogini. »

Il ne me faut pas prendre pour cela une tenue adéquate, un chapeau blanc ou des grandes boucles aux oreilles, des dreadlocks blancs ou me raser la tête, laisser pousser une touffe de cheveux au niveau du bindu, changer de nom, mettre des mālā माला à mes chevilles…
Un jour peut-être, si vous ne voyez toujours pas ...

Le yoga nous vient du sivaïsme préhistorique et ses pratiques restent encore aujourd’hui une science inégalée.
Tous les plans de l’être humain y sont travaillés et les pouvoirs latents réveillés permettent d’appréhender l’échelle qui va des plans grossiers aux plans supra-naturels.
Seule la Sādhana साधन, l’expérience pratique en permet la connaissance et l’ascension.
On ne peut connaître la difficulté d’un escalier sans le monter.
On ne peut comprendre fondamentalement un état qu’en étant cet état.
On ne peut adorer le divin qu’en devenant divin.

Peut-on comprendre et écrire sur le yoga si on ne le pratique pas, si on ne devient pas soi-même un yogi ?
« Mais pour être un yogi, faut-il déjà pouvoir équilibrer compréhension, réflexion, assise méditative, pratique qualitative et thérapeutique », nous dit Pierre Alais.

Mais surtout, n’est pas yogi celui qui maîtrise telle ou telle technique.
Il existe une multiplicité de techniques en yoga. L’outrecuidance du monde contemporain, sans avoir couvert les nombreuses techniques millénaires, en crée de nouvelles que j’appelle des « pratiques orphelines » tant elles sont incohérentes voire nocives à mes yeux, (métal yoga, etc.).

Aucune technique n’étant en relation avec l’Ātman आत्मन् (le Soi) et Brahman ब्रह्मन् (l’absolu), ne peut prétendre relever du Yoga.

La pratique doit relier et non éparpiller.

Aujourd’hui le yoga apparait à beaucoup de personnes comme une activité parmi tant d’autres permettant de gérer l’anxiété et le stress alors que c’est une voie de la transformation qui commence par enlever les illusions. Or les enseignements yoguiques du jour sont parfois eux-mêmes illusoires !
La diversité des voies du yoga laisse cependant beaucoup d’espoir pour permettre à un grand nombre de s’y trouver. Restons positifs !

Le chemin du yogi consiste à réaliser ce travail permanent de prise de conscience intérieure pour atteindre le Soi ultime.

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Mais tout le monde n’est pas en mesure de passer une grande partie de son temps en pratique yoguique. Tout le monde n’a pas d’ailleurs les moyens matériels ni les qualifications requises.
Il est possible de mener cependant une vie active tout en faisant une large part à la conscience de soi.
Cette conscience de soi avant la conscience du Soi passe par la vigilance.
La vigilance est l’antichambre du discernement.
Il n’y a pas de vigilance s’il n’y a pas conscience de soi.

Comme vous êtes la plus grande partie de votre temps en interaction avec l’extérieur, le peu de temps que vous accordez à ce travail spirituel est souvent dérisoire.
Certes vous pratiquez ! Mais comment ?
Il se peut que votre demi-heure de méditation quotidienne soit stérile parce que vous êtes trop agité, que vous n’ayez qu’un os à ronger en terme d’exercice méditatif, que vos associations d’idées vous empêchent de descendre profondément en vous-même à la rencontre de cet immuable en vous.
Il est indispensable de trouver la possibilité de conserver la conscience de soi tout en étant en même temps actif et conscient de ce qui se passe à l’extérieur de vous.

La vigilance doit être persévérante.
Tous les maîtres insistent sur cette vigilance.
Ce rappel à soi constant est essentiel.

Qui d’entre-vous ne se laisse pas distraire en permanence par l’extérieur et perd ainsi le regard intérieur sur son âme ?
La présence à soi même va de pair avec la présence au divin. Ce qui est au-delà de l’égo, au cœur de l’homme, c’est l’ultime Soi, l’absolu impersonnel.

« Si tu te souviens de Moi, je me souviendrai de Toi ».

Cet aphorisme central du soufisme peut être compris au niveau exotérique en terme de relation fraternelle, mais aussi intérieurement au niveau ésotérique.

« Si je me souviens du divin en moi, le divin se souvient de moi ».

Le yogi est celui qui cherche la conscience la plus pure au cœur de lui-même.
Vous trouverez cette approche dans toutes les grandes pratiques spirituelles, de l’hindouisme et du bouddhisme au christianisme en passant par le soufisme.

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La vigilance permet de voir au lieu de vivre en aveugle.

Ce « Je » qui voit n’est plus alors l’ego. Si nous sommes vigilants, nous ne pouvons plus penser au sens péjoratif du terme. Nous éliminons le jeu de l’égo qui nous coupe de la réalité.
Cette réalité vient alors à nous et nous en prenons conscience silencieusement avec notre sensation, notre sentiment, notre intellect de façon objective.
Si la vigilance est active, le mental fait place alors à la Buddhi, c’est à dire la véritable intelligence, celle qui voit quel acte doit être accompli, quelle décision doit être prise.

« La vigilance de soi est le chemin de la Conscience du Soi », nous dit Arnaud Desjardins.

C’est la présence à soi-même qui vous permet d’être à la fois conscient de l’extérieur et conscient de vous-même.

C’est le rappel permanent à soi.
La vigilance est une fonction qui permet d’éviter que les tensions s’accumulent en nous. S’il y a vigilance, il y a détente, car vous n’êtes plus dans la tension vers ou contre quelque chose inconsciemment. Vous n’aurez plus besoin de cogner dans une porte, casser un verre, boire plus qu’il ne faut, vous défouler plus qu’il n’est besoin pour libérer vos tensions enfouies.
Dans la véritable vigilance, il n’y a plus de jugement de valeur qui distingue les moments importants des moments insignifiants.
Chaque instant de la vie devient plein et parfait, car la conscience est là, dans sa non-dualité.
C’est la perception de ce qui EST.

Alors oui, nous pourrons devenir des amis !

Hari om tat sat

Auteure
Jaya Yogācārya

Bibliographie ;
 « La rencontre des Yogis » de Pierre Lais aux edts L’Originel
 « A la recherche du Soi » d’Arnaud Desjardins aux edts La table ronde
 « Itinéraire d’un yogi » de Paramahaṃsa Prajñānananda aux edts Dauphin
 Adaptation et commentaire de Jaya yogacharya

Copyright Centre Jaya de Yoga Vedanta La Réunion

Messages

  • Bonjour Jaya,
    En écho à votre propos sur "la Vigilance, l’antichambre du Discernement " ainsi que la magnifique et puissante méditation sur l’ATMAN, je souhaite partager avec vous cet inspirant extrait du TAO TE KING :
    "Comment vivre pour être en contact avec CELA ?"
    "- Pouvez vous amadouer votre mental pour qu’il cesse son vagabondage et demeurer fidèle à l’unité originelle ?
     Pouvez vous laisser votre corps être aussi souple que celui d’un nouveau né ?
     Pouvez vous épurer votre vision intérieure jusqu’à ce que vous ne voyiez rien d’autre que la lumière ?
     Pouvez vous aimer les gens et les conduire sans leur imposer votre volonté ?
     Pouvez vous gérer les affaires les plus importantes en laissant les événements suivre leur cours ?
     Pouvez vous sortir de votre mental et ainsi comprendre toutes les choses ?
     Donner naissance et mourir ?
     Avoir sans posséder ?
     Agir sans attente ?
     Conduire et ne pas essayer de contrôler
    ... C’est la vertu supprême !"
    Merci pour votre Bienveillance et votre Patience et ... si je puis me permettre : demeurez le "poil à gratter" de notre Conscience !
    Catherine

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