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« La remise en ordre »

Après notre parabole cinématographique de la conférence précédente, « N’est-il jamais trop Tár ? », revenons à présent à notre sujet d’étude actuel, à savoir le stress et plus particulièrement le stress cognitif de nos contemporains.

Nous avons vu que le stress, dans sa manifestation instinctive, sert à se défendre d’un éventuel danger ou d’un ennemi externe.
Mais le stress contemporain est plutôt d’origine interne, subjective et cognitive.
Bien sûr, nous ne stressons pas tous pour les mêmes raisons et dans les mêmes situations.
Dans la conférence « Préfrontalité », nous avons vu que le stress cognitif, indique une erreur de jugement de notre intention, de notre comportement et que nous faisons fausse route en termes d’appréciation de la situation.

Il existe donc d’autres façons d’appréhender cette dernière.
En ce qui nous concerne, les outils du yoga sont grandement efficaces pour cela.

En temps de paix, dans notre société moderne, plus de 90 % des cas de stress n’ont pas de causes externes. Nos pensées, nos aptitudes à connaître, nos connaissances peuvent être incohérentes, contradictoires et nous induire en erreur.
« Leur remise en ordre » lors d’un stress permet l’apaisement.

« Pensée, émotion, comportement constituent, dit Jacques Fradin, neuroscientifique, les trois visages d’un même processus ».
Il suffit donc d’agir sur l’un des trois pour modifier les autres.

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Dans le yoga, non seulement, nous activons intensément la relation consciente au préfrontal par les techniques de Trāṭaka त्राटक, de concentration poussée et de visualisation, mais nous développons surtout l’état d’observateur, caractéristique du pratiquant, qui nous donne plus aisément les moyens d’agir calmement sur l’un de ces trois aspects.
Pour ce qui relève des pensées, le méditant aguerri est apte à les observer régulièrement et à les canaliser. Le yoga ne se réduisant pas à une pratique uniquement physique, l’érudition, la réflexion philosophique et métaphysique donnent à nos pensées, une teneur plus subtile et plus élévatrice et l’observation et le détachement intérieur développent davantage le discernement.
Rappelez-vous :
« Il s’agit d’être activement passif intérieurement et passivement actif extérieurement » déclarait Svāmī Prajñānpad. Voir conférence « l’état de confiance » .

Par la pratique du prāṇāyāma प्राणायाम, nous agissons sur le souffle et sommes à même de mieux gérer nos émotions que la plupart des gens.
Il est dit ; « le prāṇā est un cheval puissant dont il faut savoir tenir les rênes ».
Souffle et émotion peuvent être étroitement liés selon les situations.
Quant au comportement, le yoga nous invite à suivre une éthique qui assure en partie les rives du flot de notre existence.

La pratique yoguique cherche à activer la conscience par tous les chemins possibles.

Nous avons vu la dernière fois que le néocortex pré-frontal détecte cette incohérence qui génère le stress en nous. Les neuroscientifiques nous disent cependant, qu’il est en partie inconscient puisque la destruction de parties de cette région-là, n’entame nullement la conscience.

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Il émettrait ainsi un message d’alerte inconscient en cas de stress.
La conscience perçoit ou perçoit mal ce message et en fonction de cela, nous comprenons ou non pourquoi nous stressons.

Si pour les yogi, l’espace frontal, cidākāśa चिदाकाश, au-dessus de l’Ājñā cakra आज्ञा चक्र, est le lieu de connexion permettant d’activer l’écran intérieur, il est par l’activation des cakra चक्र supérieurs, une des portes permettant d’accéder aux états modifiés de conscience, voire d’accéder au cheminement vers la supra-conscience.

Cependant, les neuroscientifiques nous diront que la conscience et le préfrontal ne parlent pas le même langage.
Que veulent-ils dire ?
« La pré-frontalité naît de la rencontre des informations d’origine néo-corticale qui arrivent dans la région dorso-latérale du préfrontal et des informations d’origine reptilienne et limbique qui arrivent au niveau de la région ventro-médiane.
C’est la rencontre des informations d’origine externe et celles d’origine interne, autrement dit, celles qui nous informent sur l’environnement extérieur pour les premières et les deuxièmes sur notre état biologique et nos besoins », nous dit toujours le même neuroscientifique.
Pour les élèves en kriyā yoga क्रिया योग avancé, vous devez pouvoir faire le parallèle entre les informations physiologiques et anatomiques du cerveau et les informations symboliques et énergétiques des pratiques yoguiques.
Lorsque par exemple, nous parlons de Kamadhenu कामधेनु, la vache d’abondance qui siège dans Bhramara Guphā भ्रमर गुफा la cavité secrète, nous parlons bien sûr du système hypothalamique et entre autres de sa fonction hormonale, lui-même se trouvant près du système ventriculaire du cerveau humain.

Nous pourrions ainsi établir une relation entre les pratiques de Śāmbhavī mudrā शाम्भवीमुद्रा et de Khecarī mudrā खेचरीमुद्रा pour illustrer cette relation de convergence de l’extérieur et l’intérieur.
Si, en état normal, la gestion des informations extérieures et intérieures chez l’homme lambda s’opère comme précédemment citée, de façon plus ou moins consciente, alors qu’en est-il chez le yogi qui sollicite intensément ces zones par des gestes oculaires et linguaux associés à une intention consciente ?
Chez ce dernier, ces pratiques associées à la visualisation et au souffle ont pour but d’activer les Nāḍī नाडी, les trajets énergétiques, de faire circuler l’énergie dormante, de la diriger vers les plans supérieurs afin d’éveiller une énergie spécifique étroitement liée à l’éveil de la conscience.

Le préfrontal a été considéré pendant longtemps par un grand nombre de neurologues comme le siège de la conscience puisqu’il est la partie la plus intelligente de l’encéphale. Cela a été remis en question plus récemment par certains, précisant que la conscience émergerait grâce en partie, au rôle que pourrait jouer la convergence entre le limbique et le néocortex, là où se trouvent le thalamus et le gyrus cingulaire.

Le préfrontal serait donc peu conscient mais très intelligent.
Siège de la créativité, donc de l’intuition, de l’imprévisible, il peut gérer aussi la raison, mais ce n’est pas lui qui gère la conscience.
Il est bien une porte.
En yoga, nous avons toujours rappelé que Manas मनस् le mental et Buddhi बुद्धि, l’intellect n’étaient que des outils, certes puissants et utiles qu’il nous fallait développer tout en les utilisant avec parcimonie afin que la conscience ne soit pas entravée par leur potentielle toxicité.
Buddhi, dans la philosophie indienne, définit la capacité d’intelligence liée à la réflexion et la discrimination. Nous dissocions bien intelligence et conscience.

Le commun des mortels soumis à de nombreux stress ne s’intéresse nullement à ces problématiques neurologiques ou métaphysiques yoguiques.

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Il lui faut du concret pour mieux gérer son stress, à savoir l’identifier, comprendre son propre mode mental du moment, ses pensées ou croyances, ses valeurs, ses effets physiologiques néfastes afin de pouvoir les changer.

Le stress, cognitif, bien sûr, est donc la mise en évidence :
 d’une incohérence en nous. Quel est le mode mental ou intellectuel du moment ?
A quel évènement est-il associé ?
 de la nécessité de changer ce mode pour nous calmer,
 de la nécessité de chercher les causes de ce stress. Il nous est inutile d’analyser les symptômes une fois là puisqu’ils relèvent du reptilien.
 de la nécessité d’apprendre à observer nos émotions sans les nier, les refouler ni y céder.

Voici l’exemple d’un petit stress :
vous êtes devant une personne qui fait quelque chose qui vous irrite, vous déplait grandement et qui entrave vos intentions ou actions du moment.
Au lieu de penser, voire de lui dire sur un ton exacerbé :
« Mais enfin, tu fais du n‘importe quoi ! », il serait préférable, pour enlever votre énervement, de penser sans formuler :
« Pourquoi suis-je dans cet état d’exacerbation ? Suis-je violent·e, intolérant·e ? Quel est mon mode de pensée actuel ? Ne puis-je obtenir le résultat espéré autrement en m’y prenant différemment avec cette personne ? »
« Oh, et puis zut ! Je n’ai pas le temps à cela ! »
Le stress que cette personne vient de générer chez moi n’appartient finalement qu’à moi !

Petit stress plus petit stress développent un état de stress profond et continu qui
crée des manifestations physiologiques dévastatrices. La partie médullaire des surrénales va immédiatement relâcher de l’ adrénaline et de la noradrénaline. Les conséquences de l’augmentation de ces hormones de stress sur notre organisme vont être une augmentation de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque, de la glycémie, etc.

Dhyāna ध्यान, la pratique méditative possède cette grande vertu de vider les réserves accumulées de stress par le relâchement mental et la relativité qu’apporte l’état d’observateur. Dans la méditation, nous apprenons à nous connaître, à découvrir nos propres failles, à nous ressourcer à l’essentiel. Nous reprenons notre vraie place dans ce monde sans nous perdre dans le détail. Nous apaisons l’état permanent de « qui vive » qui nous caractérise, nous les humains mortels. Nous apprenons à relativiser la course permanente de notre égo dans sa conquête du dérisoire.

Il est fort à parier que le stress cognitif, en apparence inutile puisqu’il n’y pas de danger vital, soit nourri en profondeur par cet état de « qui-vive » lié à la mortalité, le reptilien finalement ne lâchant rien.

Le cerveau pense parfois vite, n’importe comment dans son incohérence.
« Ah ! Je ne vais pas pouvoir payer ma taxe foncière, on va me mettre dehors et je vais mourir dans lea rue et sans toit... » Ça y est, en moins d’une seconde, vous êtes foutu·e ! ».
Vous souriez alors intérieurement de cette aberration mais la pensée a surgi malgré tout. Le plus intelligent d’entre-nous n’a-t-il pas ces pensées paradoxales qui surgissent spontanément avant le raisonnement ? Combien en avez-vous dans une journée dans votre dialogue intérieur ? Combien de peurs vous faites-vous en permanence avec l’argent, la maladie, la famille, l’amour, etc. ?

D’où la nécessité d’aller chercher les racines de ce mal éternel lié à notre condition humaine lorsque nous nous identifions à cette nature temporelle.
Si nous désirons tendre vers la sagesse et ennoblir nos réactions dans les situations stressantes de l’existence, il est bon de ne pas commencer par se plaindre, d’éviter de justifier nos faiblesses par l’éternelle « après tout, je ne suis qu’un humain ! ».
Le chercheur spirituel, le yogi, se doit parfois de faire preuve, avec discernement bien sûr, de stoïcisme.
Après tout, la mort est plus facile que la vie.

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Hari Om Tat Sat
Jaya Yogācārya

Bibliographie ;
 L’intelligence du stress » de Jacques Fradin aux Éditions Eyrolles
 Adaptation et commentaire de Jaya Yogacarya

©Centre Jaya de Yoga Vedanrta La Réunion
Remerciements à C. Pellorce pour ses corrections

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